La servitude de tour d’échelle : un droit ancien au service de la densification urbaine ?
Face à la pression foncière et à la densification des parcelles, l’accès temporaire aux propriétés voisines pour réaliser des travaux devient une question à fort enjeu. C’est ainsi que refait surface un principe ancien mais peu connu : la servitude de tour d’échelle. En quoi consiste cette servitude ? Comment est-elle appliquée ? Décryptage
Face à la pression foncière et à la densification des parcelles, l’accès temporaire aux propriétés voisines pour réaliser des travaux devient une question à fort enjeu. C’est ainsi que refait surface un principe ancien mais peu connu : la servitude de tour d’échelle. En quoi consiste cette servitude ? Comment est-elle appliquée ? Décryptage

Contexte
Dans un contexte de forte pression foncière et de densification accrue des surfaces constructibles, impulsée notamment par la loi Climat et Résilience et son objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN), la question de l’accès temporaire aux propriétés voisines pour réaliser des travaux de construction devient de plus en plus prégnante. C’est dans ce cadre que ressurgit avec acuité un principe aussi ancien que méconnu : la servitude de tour d’échelle.
Un droit coutumier non codifié
La servitude de tour d’échelle est un usage ancien du droit coutumier, permettant à un propriétaire ou à un constructeur d'accéder temporairement au fonds voisin pour effectuer des travaux de construction ou d'entretien. Ce droit vise à permettre la réalisation de travaux impossibles à mener sans franchir la limite séparative — typiquement, la pose d’un enduit ou l’entretien d’un mur en limite de propriété.
Cependant, ce droit n’a pas été consacré lors de la dernière réforme du droit des biens du Code civil (ordonnance n° 2022-1076 du 30 juin 2022), qui a pourtant intégré diverses servitudes conventionnelles ou légales.
Il demeure donc un droit prétorien, source de contentieux mais aussi d’une jurisprudence particulièrement active.
Tour d’échelle et constructions neuves
Contrairement à une idée reçue, la servitude de tour d’échelle n’est pas réservée à l’entretien de bâtiments existants. Plusieurs arrêts récents viennent étendre son application aux constructions neuves, dès lors qu’il s’agit de travaux nécessaires à la bonne exécution de l’ouvrage.
- La Cour de cassation a confirmé le droit d’un propriétaire à accéder au fonds voisin pour appliquer un enduit sur un mur en limite de propriété, dans le cadre d’une construction neuve, dès lors que les travaux étaient nécessaires et réalisés dans des conditions minimisant la gêne pour le voisin. ( 3e, 26 mars 2020, n°18-25996).
- Reconnaissance de l’application du tour d’échelle à une opération de construction neuve, soulignant que le refus du voisin d’accorder l’accès temporaire constituait un abus de droit. (Cour d'appel de Bordeaux, 2e chambre civile, 23 novembre 2017, n° 17/00381).
Trois conditions doivent être réunies :
- les travaux doivent être indispensables,
- il est impossible de passer par un autre endroit pour les effectuer,
- le préjudice subi par le voisin ne doit pas être disproportionné par rapport à l’intérêt que représentent les travaux pour vous.
Le juge pourra alors imposer une servitude temporaire judiciaire, proportionnée au besoin, dans l’esprit du tour d’échelle.
À retenir :
- Le tour d’échelle n’est pas codifié, mais juridiquement reconnu.
- Il s’applique aussi aux constructions neuves, sous réserve de conditions strictes.
- Le dialogue préalable avec le voisin est essentiel, mais un refus abusif peut être surmonté judiciairement.
- Dans un contexte de densification urbaine, ce droit est appelé à devenir un outil de plus en plus mobilisé.