February 2, 2022

Les changements climatiques et leurs impacts sur l’assurance des acteurs de la construction

Le dérèglement climatique constaté depuis 30 ans engendre de nombreux risques et impacte la sinistralité. En effet, tempêtes, inondations, sécheresse augmentent en intensité et en récurrence. Comment un assureur comme SMABTP s’approprie-il le défi climatique et comment il y fait face ? Quels conseils peut-il donner aux constructeurs ?

Crédit photo : Getty Images

Les risques du réchauffement climatique sont bien connus des assureurs français qui en mesurent concrètement les effets puisqu’ils indemnisent les dommages consécutifs à ces aléas naturels.

Selon l’étude réalisée par France Assureurs (ex FFA) sur les risques climatiques (sécheresse des sols, canicules, inondations, submersion marine, coulées de boue, tempêtes et cyclones), le montant des sinistres climatiques pourrait quasiment doubler sur les 30 prochaines années et le changement climatique contribuerait pour un peu plus d’un tiers à cette hausse.

L’analyse des données des assureurs sur les 30 dernières années, hors les tempêtes extrêmes de Lothar et Martin en 1999, montre une hausse significative de la sinistralité assurantielle depuis 1989. (Source : Étude : impact du changement climatique sur l’assurance à l’horizon 2050 (PDF) réalisée par France Assureurs).

Comment un assureur construction comme SMABTP s’approprie-t-il ce défi ?

En tant qu’assureur leader du secteur de la construction, SMABTP constate depuis plusieurs décennies les impacts que ce dérèglement a sur les constructions et les infrastructures ainsi que sur les populations, ce qui lui permet d’avoir un véritable retour d’expérience sur les bonnes mesures de prévention.

Quelles sont les conséquences observées ?

Quand on parle des conséquences du changement climatique, on doit prendre en compte la modification de l’occurrence et de l’intensité des événements naturels. En effet, le changement climatique n‘est pas tout : ses effets se font d’autant plus sentir au fil des ans que, parallèlement, il est constaté une augmentation et une concentration des richesses. L’impact d’un événement naturel est donc démultiplié par la somme des richesses touchées. Un même événement coûtera plus cher 20 ans plus tard, parce que les bâtiments ou les infrastructures sont plus nombreux et plus coûteux à réparer, en raison de la valorisation des matériaux, des équipements ou des nouvelles normes de construction à prendre en compte pour la reconstruction.

Outre des conséquences matérielles, ce type de catastrophe a aussi des répercussions sur la vie économique, sur l’activité et donc sur l’emploi : les assureurs ne doivent pas raisonner uniquement sur la valeur matérielle des biens endommagés, mais aussi sur les impacts humains et les impacts à caractère immatériel.

Plus en détails, quelles sont les conséquences risque par risque ?

Dans les projections établies par France Assureurs pour les 30 prochaines années, le coût de réparation des sinistres liés à la sécheresse devrait un peu plus que tripler. On passerait ainsi de 13,8 milliards d’euros à 43 milliards d’euros.

Les phénomènes de retrait-gonflement des sols argileux qui résultent largement des changements climatiques, entraînent des tassements différentiels du sol générant des sinistres sur les fondations, des fissurations de façades notamment.

La réponse assurantielle : ces sinistres sont pris en charge par le contrat Multirisques Habitation ou Locaux Professionnels au titre de la garantie catastrophes naturelles.
Pour les constructions futures, la loi ELAN a prévu (article 68) une obligation d’étude géotechnique de sol, nécessaire pour adapter la construction à la nature du sol. Si le sol est argileux, les dispositions constructives devront être adaptées. À défaut, la responsabilité du constructeur pourra être mise en jeu.

Le coût des conséquences des futures inondations devrait augmenter de 80 % sur les 30 prochaines années, avec notamment le phénomène des submersions marines, phénomène aggravé par la fonte des glaciers et la montée du niveau de la mer.

En ce qui concerne les tempêtes, on évalue une augmentation du coût des indemnisations de près de 50 %. Sans nier l’augmentation des fréquences des événements de tempête, une part de cette augmentation provient de la concentration des habitations sur un lieu sinistré que favorise la désertification rurale.

La réponse assurantielle : les constructeurs peuvent être impactés directement lorsque les bâtiments et les ouvrages d’infrastructures sont en cours de construction. Rappelons que l’entreprise a la garde du chantier. Ainsi, en cas de fortes tempêtes qui endommagent voire détruisent les chantiers, les garanties de dommages en cours de travaux ou le contrat « Tous Risques Chantier » seront mobilisées, à l’instar de ce qui s’est passé lors des tempêtes de décembre 1999.

Face à ces constats, comment s’organise l’assurance ?

Longtemps considérés comme inassurables, les événements naturels ont fait l’objet assez récemment (1982) d’un mécanisme de mutualisation pour la prise en charge des dommages qu’ils peuvent causer. Ainsi, est née la garantie « catastrophes naturelles » financée par une cotisation spéciale sur tous les contrats de dommages comportant une garantie « incendie ».

S’agissant d’un mécanisme de solidarité nationale qui fait appel aux fonds publics, l’État est garant de l’utilisation à bon escient de cette garantie : il valide l’existence d’un sinistre « catastrophe naturelle » par la publication au Journal Officiel d’un arrêté précisant en quoi consiste la catastrophe naturelle, sa date de survenance et le lieu de son impact. Pour qu’un sinistre soit pris en charge au titre de cette garantie il faut un arrêté.

Quels conseils donner aux constructeurs ?

  • Dans le cas de dommages subis par une entreprise sur ses biens (locaux, véhicules, engins), ou sur ses biens sur chantier ou ouvrages réalisés mais non réceptionnés : l’important est la réactivité. SMABTP n’attend pas l’arrêté de catastrophe naturelle, lorsqu’il est évident qu’il sera pris, pour accepter les déclarations de sinistre.

L’urgence est le financement des mesures conservatoires et le financement de la reprise même a minima de l’activité économique. SMABTP a une politique de versement d’acompte bien établie.

SMABTP organise, le plus rapidement possible, une expertise tout en incitant ses assurés à préserver toutes les preuves de l’importance des dégâts.

Mais, s’agissant d’une garantie légale, son périmètre a été défini par le législateur : cette garantie ne peut intervenir que pour l’indemnisation des dommages matériels directs des seuls biens garantis par le contrat auquel elle est adossée.

Cela dit, d’autres garanties peuvent compléter une indemnisation si elles ont été souscrites (garantie des pertes et frais, garantie perte d’exploitation…).

Attention : en auto, pour indemniser la perte d’un véhicule (par exemple s’il a été emporté par une coulée de boue), il faut que l’assuré ait souscrit une garantie dommage (la garantie responsabilité civile seule ne suffit pas).

  • Dans le cas de dommages subis par des tiers dans le cadre de l’activité professionnelle du constructeur : la question est de savoir si une catastrophe naturelle ou un événement climatique est exonératoire de responsabilité en cas de dommages aux tiers.

Si l’événement naturel est la cause exclusive du dommage, alors il pourra être exonératoire de responsabilité (par exemple, en cours de chantier, des matériaux soulevés par le vent s’écrasent sur les travaux d’autres corps d’état ou sur une voiture garée à proximité).

En matière de responsabilité décennale, le raisonnement est le même. Si, par exemple, à la suite d’une sécheresse des sols, il est constaté des désordres en façade, le constructeur, présumé responsable de par la Loi, devra apporter la preuve que la sécheresse est la cause unique des dommages.

Propos recueillis auprès de Bertrand Lotte, directeur des règlements.