
Désordres sur les canalisations
Définitions
L’activité humaine produit de nombreux effluents :
- les eaux vannes (EV) sont composées d’urine et de matières fécales, elles proviennent de l’utilisation des toilettes ;
- les eaux usées (EU) proviennent de l’utilisation de l’eau à des fins domestique, commerciale ou industrielle (cuisines et salles de bain, restaurants, magasins, usines de papier…) ;
- les eaux pluviales (EP) viennent se rejeter dans le réseau d’eaux pluviales public, via un regard de jonction ;
- les réseaux d’adduction d’eau potable (AEP) permettent d’acheminer l’eau destinée à la consommation humaine.
Ces réseaux s’arrêtent au compteur général situé généralement en limite de propriété des ouvrages.
La technique de mise en œuvre la plus répandue est la construction en tranchée traditionnelle de ces réseaux. Cette technique consiste à excaver en longueur les terres à la pelle mécanique, après dépose au brise-roche hydraulique de l’enrobé éventuel.
Le constat
Les désordres sur les canalisations enterrées réalisées en tranchée traditionnelle sont multiples :
- effondrement de tranchée en cours de travaux ou après réception ;
- affaissement ou soulèvement de voirie au droit des réseaux ;
- fuites sur le réseau enterré entrainant des risques sur la stabilité des ouvrages (lessivage et migration des fines), les avoisinants, la pollution de l’environnement ;
- refoulement des réseaux EU, EV, EP provoquant des inondations.
Le diagnostic
Les causes de désordres sont multiples :
> Problèmes ou défaut de remblaiement
Principale cause de désordres conduisant à des effondrements (en cours de travaux ou en phase d’exploitation), le défaut de remblaiement des tranchées fait suite à une mise en œuvre ne respectant pas ces préconisations :
- matériau de remblai non adapté (granulométrie, présence de blocs…) ou fond de fouille non purgé (points durs) ;
- matériel de compactage non adapté ;
- présence d’eau dans le fond de fouille avant le remblaiement (lessivage des fines) ;
- couches successives de compactage trop épaisses (supérieures à 20 cm).
> Défaut de dimensionnement des sections de canalisations
Mauvaise estimation de la section d’écoulement
Une vitesse minimum d’écoulement en fond de tuyau est nécessaire afin d’éviter les dépôts de matière solide qui réduirait la section d’écoulement et des pertes de charges trop importantes. Une mauvaise prise en compte des paramètres tels que la vitesse de l’effluent dans la canalisation, le coefficient de débit, le rayon hydraulique, la pente motrice de l’écoulement (régime uniforme) induisent des difficultés d’écoulement.
La non prise en compte des conditions d’érosion et d’auto curage (vitesses minimales d’écoulement, pente non ajustée) et le défaut de vérification de la non mise en charge des canalisations (taux de remplissage trop important) altèrent le bon écoulement.
Défaut de vérification de l’augmentation du volume d’eau à véhiculer du fait d’un écoulement aéré
Au-delà de certaines pentes, les écoulements dans les canalisations sont susceptibles d’être aérés (phénomène turbulent appelé « eau blanche »). Ceci occasionne des pertes d’énergie et un écoulement très perturbé.
Mauvaise justification de la tenue mécanique des canalisations
Si la pression verticale des terres due au remblai et les pressions verticales due aux charges d’exploitation, qu’elles soient roulantes, permanentes ou de chantier, ne sont pas correctement estimées, des affaissements ou ruptures sur tronçon ou aux jonctions peuvent être générés.
> Défauts de profilage hydraulique du réseau
Les performances hydrauliques, environnementales, structurelles et fonctionnelles des ouvrages d’adduction et d’assainissement sont compromises par :
- une mise en œuvre d’un réseau avec des rayons supérieurs à 45 ° qui provoquera un ralentissement des flux ;
- un raccordement entre tubes par raccords en T peu adaptés à l’écoulement ;
- des pentes non conformes aux règles de l’art ;
- des pertes d’étanchéité de jonction (notamment pour les réseaux sous pression avec des désemboitements, fuites, pertes d’efficacité de joints) ;
- des fonds de fouille mal réalisés, (matériaux mal compactés, conséquences sur alignement des tuyaux).
> Les fuites sur raccords et coudes de canalisation
Les raccords peuvent être de plusieurs types (collages, soudures, colliers / manchons ou emboitements). Ces interfaces entre deux sections peuvent céder sous diverses sollicitations (décollements, arrachages, fissurations, déboitements).
Défauts d’étanchéité au niveau des raccords
Ils sont générés par effondrement de l’encaissant puis de la canalisation sous l’effet de l’eau (entrainement des particules). La mise en place du remblai au-dessus de la canalisation est une opération importante. Un défaut de qualité du remblai peut avoir pour conséquence des affaissements et des défauts d’étanchéité au niveau des jointures et des raccords.
Fuites au niveau des raccords (coudes)
L’eau sous pression peut également entrainer des fines et provoquer une déstabilisation du terrain.
Le choix de matériaux inadaptés, au niveau des raccords peut générer un vieillissement prématuré de ceux-ci.
Défauts de profondeur, de charge de remblai et / ou charges d’exploitation.
Une mauvaise prise en compte de la nature de remblai et, des charges d’exploitation dans la localisation altimétrique des réseaux, peuvent occasionner la déformation ou la rupture de la canalisation.
Bonnes pratiques
Problèmes ou défaut de remblaiement
Une démarche générale à utiliser
Deux guides "Remblaiement (remblayage) des tranchées et réfection des chaussées" de 1994, (revu en 2007) et « Étude et réalisation des tranchées ", édité en 2001 définissent des règles techniques, abordent la phase étude et les différentes phases d'exécution de la tranchée et permettent la maîtriser la réalisation du remblaiement par la réussite du compactage des matériaux.
Dans le cas de sols naturels
Après avoir identifié les caractéristiques du matériau de remblai selon la méthode décrite dans la norme NF P 98-331, le guide donne, en fonction du matériel de compactage, les épaisseurs maximales des couches à compacter ainsi que le nombre de passes de l’engin de compactage choisi.
Dans le cas de matériaux auto-compactants
Faiblement dosé en ciment, ils ne nécessitent ni compactage ni vibration lors de la mise en œuvre. La mise en œuvre peut se faire sur toute la hauteur de la tranchée. Le matériau doit être ré-excavable à long terme.
Mettre en place des contrôles de compactage
La bonne exécution du compactage peut s’effectuer de plusieurs manières.
- Méthodes au pénétromètre dynamique utilisées selon les spécifications des normes NF P94-105 et NF P94-063 et des fascicules 70-1 et 71. Ces méthodes sont plébiscitées par les référentiels et les professionnels notamment dans le cadre des contrôles de réseaux (contextes secs ou humides) et permettent de statuer sur le compactage en surface et en profondeur, sur toute la hauteur du remblai concerné.
- Mesure de la densité IN SITU à comparer à celle établie dans la phase préliminaire de la planche d’essai.
- Mesure à la plaque : essais par tranches et sur la tranchée remblayée et mesure d’un pseudo module de réaction du sol.
Nota : tous les travaux participant à une action sur ouvrages enterrés nécessitent une vigilance particulière. La fiche N°TX-RBL 2 figurant dans le fascicule 2 « guide d’application de la réglementation relative aux travaux à proximité des réseaux - guide technique » fait le point sur les prestations de remblais et le compactage de fouille. (Voir également la fiche pathologie travaux publics N°2 : Désordres causés par la méconnaissance de l’implantation des réseaux enterrés).
Attention, à éviter : méthode avec des pénétromètres dynamiques : cette méthode est à proscrire car le pénétromètre est susceptible d’endommager le réseau que l’on vient d’installer au fond de la tranchée que l’on a remblayée.
Image : Remblayage et signalétique conforme avec matériaux adaptés
Source : SMABTP
Le dimensionnement des sections de canalisation
- Dimensionner correctement les sections d’écoulement à surface libre (diamètres, vitesses, débits, pentes).
- Bien vérifier les conditions d’érosion et d’auto curage pour prendre en compte les vitesses minimales requises.
- Appréhender le volume d’eau à véhiculer du fait d’un écoulement aéré et dimensionner ensuite.
- Dans tous les cas, il est recommandé de respecter des valeurs de diamètres nominaux minimaux de :
- Ø 200 mm en eau usée ;
- Ø 300 mm en eau pluviale ou unitaire.
- Pour la justification mécanique des canalisations, bien prendre en compte tous les types de sollicitations mais aussi la simulation du calcul d’étreinte (latérale) de la canalisation, en respectant les approches du fascicule 70-1 ou 71.
Éviter les fuites sur raccords et coudes de canalisation
- Il est nécessaire de rendre accessibles les raccords sensibles à des fins de diagnostic, de remplacement ou remise altimétrique de tous raccords vétustes ou organes de fermeture.
- La recherche de fuite peut être anticipée par la mise en place de détecteurs sur les raccords.
- Un assemblage de coudes à 45° séparés par un élément droit sera privilégié à un coude à 90°.
- Le raccordement entre tubes par raccords en T est à proscrire, l’emploi de raccords Y est à privilégier.
Réaliser un bon profilage de réseau
Il convient de respecter les pentes conformément aux règles de l’art, de lutter contre les pertes d’étanchéité de jonction (qualité et choix des produits, nombre de jonction adapté, soin dans la mise en œuvre) et de réaliser avec soin les fonds de fouille (remblai, compactage).
A noter : les Travaux Publics visés ici comprennent les réseaux d’évacuation d’eaux pluviales (EP), eaux usées (EU), eaux vannes (EV), et d’adduction d’eau potable (AEP), ainsi que la réalisation de tampons, regards de raccordement. Cette fiche ne concerne pas le sujet de la méconnaissance de l’implantation des réseaux (voir fiche travaux publics correspondante) ni les bassins de rétention ou les stations de relevage.
Ce qu’il faut retenir
- Après le dimensionnement d’une canalisation, il convient de vérifier :
- les conditions d’érosion et d’auto curage ;
- la non mise en charge des canalisations et le type d’écoulement dans la canalisation ;
- la tenue mécanique des canalisations. - Choisir un matériau de remblai adéquat et utiliser une méthode de compactage adaptée pour éviter les tassements.
- Éviter les raccords trop nombreux et des coudes prononcés.
- Respecter l’altimétrie des canalisations (pente, profondeur).
- Préconiser un soin particulier lors du remblayage et pour la localisation des ouvrages sur plan.
- Enfin, dans tous les cas, prévenir les risques par anticipation lors des chantiers (sectorisation par mise en place de capteur sur organes, suivi et télé gestion des circuits enterrés).
A consulter
- Fascicule 70-1 : Fourniture, pose et réhabilitation de canalisations d’eaux à écoulement à surface libre.
- Fascicule 71 : Fourniture, pose et réhabilitation de canalisations d’eaux à écoulement sous pression.
- NF P94-063 : Sols : Reconnaissance et essais - Contrôle de la qualité du compactage - Méthode au pénétromètre dynamique à énergie constante - Principe et méthode d'étalonnage des pénétrodensitographes - Exploitation des résultats - Interprétation.
- NF P94-105 : Sols : Reconnaissance et essais - Contrôle de la qualité du compactage - Méthode au pénétromètre dynamique à énergie variable - Principe et méthode d'étalonnage du pénétromètre - Exploitation des résultats - Interprétation.
- NF P94-061-1 : Sols : reconnaissance et essais - Détermination de la masse volumique d'un matériau en place - Partie 1 : méthode au gammadensimètre à pointe (à transmission directe).
- NF EN 16-907-3 : Terrassement - Partie 3 : Procédés de construction (et série NF EN 16-907).
- NF P98-331 : chaussées et dépendances - Tranchées : ouverture, remblayage, réfection.
- Mémo technique 2017 ASTEE conception et dimensionnement des systèmes de gestion des eaux pluviales et des eaux usées, décembre 2017.
- Guide SETRA-LCPC « Remblayage des tranchées et réfection des chaussées – complément au guide SETRA- LCPC », mai 1994 complémenté par une note d’information en 2007.
- Etude et réalisation des tranchées, 2001.
- Fascicule 2 « Guide d’application de la réglementation relative aux travaux à proximité des réseaux - guide technique ».
- N°TX-RBL 2 figurant dans le fascicule 2 « Guide d’application de la réglementation relative aux travaux à proximité des réseaux
- guide technique ».