L’utilisation de granulats recyclés dans les travaux publics

Mis à jour le 20 mars 2023

Les granulats recyclés sont utilisés dans les techniques routières par les acteurs des travaux publics. Comment les utiliser ? Quels sont les désordres ?

Constat

Les activités du BTP produisent près de 230 millions de tonnes* de déchets par an dont 80 % de matériaux inertes comme les terres, les bétons de déconstruction, les bétons de démolition, etc. Le recyclage de ces matériaux en techniques routières a vite été considéré comme une priorité initiée par les acteurs des travaux publics afin de répondre à ce qui est devenu une demande sociétale.

Pour autant, et même si le retour d’expérience sur plusieurs décennies montre qu’ils sont parfaitement utilisables, des désordres peuvent être observés dans les ouvrages tels que les remblais ou les assises de chaussées comportant des granulats recyclés. A titre d’exemples, la présence d’impuretés délétères ou le non-respect des conditions de mise en œuvre peuvent provoquer des gonflements, des fissurations ou des difficultés de mise en œuvre.

* Observation et statistiques, Ministère de la transition écologique et solidaire, (SOeS), 2014

Le diagnostic

La nature intrinsèque du matériau « granulat recyclé » peut expliquer quelques désordres du fait de deux phénomènes :

  1. Une hétérogénéité de base de la ressource

La composition du matériau brut avant recyclage varie de façon importante dans l’espace et dans le temps, en fonction du type d’ouvrage, des modes constructifs initiaux, du mode de traitement (déconstruction, démolition) et du type de tri adopté. Une partie des matériaux « qualifiés de mélangés » peut contenir des impuretés (plâtres, bois, plastiques, terres…) qui doivent être éliminées en amont ou lors durecyclage.

Ces constituants secondaires, souvent concentrés dans les sables recyclés, s’ajoutent aux matériaux de meilleure qualité que sont le béton ou les maçonneries concassés. Ces granulats de recyclage ne sont pas inertes ; ils posent problème quant à la durabilité des produits comme les bétons de seconde génération, les graves, les remblais, dans lesquels ils sont inclus.

Représentation de l'hétérogénéité des tout-venants de déconstruction ou de démolition

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Béton non armé, S. Orsetti, Socabat et Plâtre, Adobe Stock

  1. La présence d’une gangue cimentaire

Cette gangue est une caractéristique particulière des granulats de recyclage. Elle est issue du béton originel concassé.  Cette fraction de ciment, composée d’aluminates et de silicates hydratés se révèle friable et chimiquement réactive. Ainsi, les granulats recyclés :

  • ont globalement des résistances mécaniques plus faibles que les granulats naturels ;
  • sont plus sensibles à certaines réactions chimiques (Cf. : réaction sulfatique interne…) ;
  • montrent parfois une aptitude au compactage amoindrie en fonction de l’angularité du matériau et de la teneur en eau.

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Schéma granulat de recyclage, S. Orsetti, Socabat

La pathologie observée

Une caractérisation trop approximative de la composition et des propriétés physiques et chimiques des matériaux peut entraîner une dérive dans leur utilisation, avec à la clef, des sinistres aux coûts importants. 

Des désordres causés par la présence de plâtre

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S Orsetti, Socabat

Le plâtre génère une réaction sulfatique interne (RSI - attaque chimique) pouvant avoir des conséquences sur la durabilité de l’ouvrage. Cette réaction a pour origine les sulfates solubles SO42- du plâtre et leur action sur les aluminates C3A contenus dans la pâte de ciment en présence d’eau.

Dans tous les cas, les produits de réactions se présentent sous la forme de minéraux de type ettringite secondaire ou thaumasite, aciculaires (aiguilles) ou colloïdaux (gels), non liants et expansifs. Ils se forment dans l’ouvrage après durcissement de la matrice et provoquent des expansions et des fissurations.

Macro-fissuration sur une voie de desserte. Remblai en mélange avec limon et grave de recyclage ( 5% de plâtre) traité à la chaux puis au ciment CEM II B. Fissuration de plus de 50 m de long et 8 cm de large. Evolutivité de la réaction.

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Droit réservé

Important
La réaction sulfatique interne (RSI) peut être observée dans une grave de recyclage non traitée, c’est-à-dire sans adjonction de ciment, polluée par du plâtre ; les aluminates nécessaires à la réaction provenant de la gangue de ciment des granulats de recyclage.

Graves non traitées recyclées (sans ciment ou liant ajouté). 

Désordres causés par la présence de résidus de bois ou de plastiques

Dans le cas de la réalisation de plateformes en béton, le bois et les plastiques provenant des granulats recyclés ont une faible densité et peuvent remonter à la surface du béton fluide. Une fois sèche, la fine pellicule de laitance saute.

Dans le cas de matériaux mélangés, le bois peut venir des terres végétales, de résidus de cloisons ou de mobiliers détruits mal triés en amont. Un contrôle visuel ou un test simple sur le chantier avec un seau d’eau peut faire apparaître d’éventuels flottants.

Problèmes lors de la mise en place du matériau (La non prise en compte de l’absorption d’eau)

Les granulats de recyclage, à cause de leur gangue cimentaire poreuse, se caractérisent par une absorption d’eau plus élevée : 6 à 12 % pour les sables, 4 à 7 % pour les gravillons. L’eau ne sert pas directement à la maniabilité des matériaux mais impacte leur hydratation et leur mise en place. Ils offrent des « frottements anguleux » importants et une texture « rêche » impliquant parfois « une difficulté à compacter ». Leur moindre résistance mécanique (avec des essais Los Angeles souvent > 40) et un compactage excessif peuvent provoquer un farinage du niveau de la surface, accompagné d’une remontée d'éléments fins. Ainsi par temps pluvieux, notamment en hiver, une crème se créée en surface qui vient polluer le matériau s'il est circulé. Par temps trop sec, cela engendre des problèmes de collage des enduits de protection.

L’absence de prise en compte de l’aptitude à l’usage des matériaux

Le non-respect des normes et des guides d’utilisation des matériaux recyclés ainsi que le défaut de classification des produits quant à leur qualité et à leurs composants peuvent entrainer des problèmes dans la mise en œuvre des matériaux et l’apparition de pathologies à postériori : tassement des ouvrages, matelassage, gonflement, fissuration, notamment vis-à-vis de la classe de trafic.

Ce qu’il faut retenir

Les granulats de recyclage doivent répondre aux mêmes spécifications d’utilisation que les granulats naturels. La démarche vertueuse sera de parfaitement les caractériser via des actions, des essais et des tests physico-chimiques, largement explicités dans les normes et les guides techniques.

Ils demeurent parfaitement utilisables dans de nombreuses techniques comme les remblais, les graves traitées, les graves non traitées en couche de formes de fondation ou les assises de chaussées, éprouvées depuis des dizaines d’années, donnant pleinement satisfaction et montrant une très bonne durabilité.

Pour les producteurs

En amont, réaliser ou faire réaliser un tri irréprochable afin d’obtenir un produit fini le plus propre possible c’est-à-dire constitué en grande majorité de bétons ou de maçonneries. Effectuer des contrôles au niveau de l’accueil des matériaux bruts (tout-venant) à la bascule : test sulfate rapide, contrôle caméra, mise en place d’une zone de décharge pour contrôle…

  • Adopter un outil de traitement adapté à la fabrication des granulats recyclés : double concassage, déferraillage, tri manuel, système de bassin pour élimination des flottants bois et plastiques, lavage, équipement d’élimination des poussières pour les installations en milieu sensible.
  • En aval, effectuer, sur les produits finis, des contrôles et des essais de caractérisation via les normes en vigueur, en fonction de l’utilisation prévue : profil granulométrique, classification du matériau selon constituants primaires et secondaires, teneur en fines, sulfates, absorption d’eau, teneur en eau, valeur au bleu, optimum proctor,… selon des fréquences appropriées.  Insister sur la détermination de la teneur en sulfates (plâtre).
  • Formaliser les résultats d’essais par l’élaboration de fiches de contrôles hebdomadaires et de fiches techniques produit, avec usages principaux et préconisations techniques, permettant au client d’avoir une vision claire sur le niveau de qualité et sur les aptitudes du produit.
  • Respecter la normalisation. Les principales normes européennes ont déjà intégré les granulats recyclés dans leurs textes. Elles précisent les niveaux et/ou les seuils requis à ne pas dépasser pour les caractéristiques essentielles de ces granulats recyclés (cf. : teneur en fines, sulfates, propension à la fragmentation, etc.). Certaines normes EN imposent le marquage CE pour l’usage concerné. Etudier spécifiquement les produits de niches afin de répondre à des besoins de chantier particuliers : matériaux drainants, matériaux tertiaires, graves non traitées (GNT) recomposées, etc.
  • En synthèse, disposer d’une démarche d’assurance qualité fiable, assumée et éprouvée.

Pour les entreprises utilisatrices

  • Obtenir du producteur le manuel d’assurance qualité (MAQ), le plan d’assurance qualité (PAQ) et les fiches techniques produits avec déclaration des performances (DoP) pour preuve du marquage CE le cas échéant. Par exemple, prêter une extrême attention lorsque la teneur en sulfates des matériaux dépasse les 0.7 %. L’incorporation dans le béton des dallages n’est pas souhaitable. L’incorporation des graves non traitées (GNT) sous dallages doit être réalisée avec une grande vigilance, sous réserve de la vérification de sa teneur en sulfate (< 0,2 %).
  • En cas de traitement des matériaux, opter pour des liants à faible pourcentage d’aluminate (C3A).
  • Penser systématiquement « mise en œuvre des matériaux ». Pour les produits ayant une teneur en eau assez faible à la fabrication, il convient de les amener à une teneur en eau proche de la teneur « optimum Proctor », d’où un arrosage correct et fréquent à réaliser, adapté au chantier.
  • Se référer impérativementaux normes existantes et aux guides d’utilisation régionaux des matériaux recyclés. Ils délivrent de bonnes pratiques sur les teneurs critiques en sulfates, la maitrise de la teneur en eau, l’épaisseur et le dimensionnement des assises, les classes de trafic adaptées en fonction de la position du matériau dans le corps de chaussée.
  • La réalisation de planches d’essais préalablement à certains travaux, permet de valider la qualité des matériaux, leur état hydrique, les conditions de mise en œuvre ainsi que les performances à obtenir.
  • Vérifier attentivement auprès de l’entreprise adjudicataire du marché, que les clauses inscrites au CCTP correspondent au produit qu’elle mettra en place. Si l’entreprise propose un ouvrage en granulats recyclés alors que ce n’est pas prévu ou pas demandé au CCTP, cette variante « économique » lui fait endosser le rôle de concepteur avec la responsabilité qui en découle. La conservation de la traçabilité des achats de matériaux et de tout document (CCTP, rapports d’essais…) est essentielle en cas de sinistre et de recours. Si un doute persiste, ne pas omettre le devoir de conseil.
  • L’entreprise sera vigilante sur le matériau reçu et aura la possibilité de mettre en place des tests rapides de repérage d’impuretés (sulfates…).

En savoir plus

Les ressources

  • IDRRIM, Classification et aide au choix des matériaux granulaires recyclés pour leurs usages routiers hors agrégats d’enrobés, 2011.
  • Ile-de-France, Guide technique pour utiliser les matériaux régionaux d’Ile-de-France, Les bétons et produits de démolition recyclés.
  • Le Roux, S. Orsetti, Les réactions sulfatiques : conditions de formation, structure et expansion des minéraux secondaires sulfatés, BLPC n°225, 2000.
  • Lorraine, Guide d’utilisation des matériaux lorrains en technique routière, Guide matériaux de démolition.
  • Ministère de l’équipement, du logement et des transports, Réalisation des remblais et des couches de forme, fascicule I et II (annexes techniques), 2000.
  • Rhône-Alpes, Guide d’utilisation en TP, Graves de recyclage, Graves de démolition et de mâchefer, 2005
  • Site du Ministère de la transition écologique et solidaire, Observation et statistiques : informations et données sur l'environnement.
    http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/accueil.html

 Les normes

  • Norme NF P11-300 : Classification des matériaux utilisables dans la construction des remblais et des couches de forme d’infrastructures routières.
  • Normes NF EN 12620 + A1 (granulats pour bétons).
  • Norme NF EN 13242+A1 (granulats pour matériaux traités aux liants hydrauliques et matériaux non traités pour les travaux de génie civil et la construction de chaussées).
  • Norme NF EN 13285 (graves non traitées - spécifications).
  • Norme NF P 18545 (granulats, éléments de définition, conformité et codification).
  • Norme NF EN 206/CN (bétons, spécifications, performance, production et conformité - complément national à la norme EN 206).
  • NF EN 1744-1+A1 : Essais visant à déterminer les propriétés chimiques des granulats, Partie 1 (analyse chimique - essais sulfates solubles dans l’eau).

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