Les murs de soutènement

Mis à jour le February 4, 2025

Le constat

Les désordres les plus fréquents sur les murs de soutènement (murs poids, murs en béton armés ou réalisés par d’autres procédés) peuvent toucher :

  • l’ouvrage de soutènement lui-même. On observe alors sur les murs des fissures, des gonflements, des bombements, des affaissements, l’altération de joints…
  • les ouvrages (routes, autoroutes, villas, immeubles, aménagements divers) que le mur est sensé soutenir ou conforter en amont ou protéger en aval. Les signes avant-coureurs sont : la fissuration ou les affaissements sur les voies de circulation qu’ils soutiennent, le décalage des têtes de mur, la déformation des parapets ou des glissières, la chute d’éléments ou les glissements en amont des voies.

Le diagnostic

Les causes les plus fréquentes des désordres sont les suivantes.

Ruptures géotechniques : 

  • instabilité générale du terrain et genèse de grands glissements de terrain (loupe) bien en amont et en aval de l’ouvrage ;
  • instabilité locale et externe par poinçonnement, renversement (monolithique ou non), glissement, défaut de butée, arrachement des ancrages ou renforcements ;
  • mauvaise résistance des sols à la compression, sols de cohésion nulle, sensibles aux variations hydriques ou à granulométrie fine contenant des argiles.

Ruptures structurelles (poinçonnement, glissement, renversement), causées par un défaut de résistance des matériaux eux-mêmes (béton armé, acier, ancrage, renforcements), une dégradation et une altération des matériaux constitutifs, une corrosion d’armature, un acier galvanisé trop doux ou un défaut de stabilité externe des éléments empilés (dimensionnement géométrique de l’ouvrage et de sa fondation).

Mauvais calcul de dimensionnement : mauvaise prise en compte des poussées de terre et de leur coefficient de frottement interne, des contraintes d’exploitation et du trafic en amont et en aval de l’ouvrage de soutènement.

Mauvaise exécution et mise en oeuvre : 

  • pour l’ouvrage : mauvaise qualité ou positionnement non adapté des armatures (densité trop faible, défaut de continuité), absence de joints de dilatation, temps de prise du béton trop court avant réalisation des phases suivantes.
  • pour le terrain : mauvais talutage en tête, remblaiement par couches trop épaisses, lessivage des particules fines en l’absence de géotextile, fuite de canalisation…


Non prise en compte du rôle et du niveau de l’eau : 

  • l’eau, présente sous forme de nappe ou d’infiltration, est très souvent un facteur aggravant de la sinistralité. Elle exerce des pressions hydrostatiques sur la structure, remettant en question le dimensionnement du mur (dans les cas les plus défavorables) lorsque celles-ci n’ont pas été correctement appréhendées. Lorsqu’elle est présente en grande quantité à l’arrière ou sous l’ouvrage, elle entraîne systématiquement des désordres ;
  • un drainage déficient (lié parfois à une mauvaise mise en oeuvre) et une mauvaise appréciation des contraintes imposées par la présence d’eau au niveau des massifs drainants sont à l’origine de nombreux sinistres : matériaux des terrains encaissants trop imperméables, granulométrie non adaptée, remblais approvisionnés en quantité trop faible, absence de mise en place du géotextile drainant ou sens de pose inversé, absence ou défaut de barbacanes, inefficacité des drains par positionnement des fentes en parties inférieures, choix de pentes de drains inappropriées avec positionnement en hauteur ou trop éloigné de la fondation.

Sollicitations extérieures importantes : réalisation de travaux en amont ou en aval des ouvrages de soutènement induisant des affouillements ou des creusements de fondations pour divers types d’aménagements.

instabilitegenerale 


FOCUS

Pour les ouvrages à éléments empilables à sec et manu-portables ou non, la justification de la stabilité interne ne doit pas être négligée au détriment de la stabilité externe. Les états limites à considérer pour la stabilité interne sont le renversement, le glissement ou le poinçonnement des éléments (fissuration de blocs). Les éléments peuvent être posés les uns sur les autres (surfaces lisses) ou encastrés les uns dans les autres. Une mauvaise résistance du béton peut alors jouer sur la stabilité. Les efforts à prendre en compte ne sont pas les même si les éléments sont creux et destinés à être remplis (terres végétales, remblais, etc.).

Les bonnes pratiques

Considérations générales  

  • Obtenir les qualifications requises Génie-civil : FNTP, familles 14 (milieu hydraulique) et 25 pour ce type de travaux est très important.
  • Prendre en compte dans les plans de prévention des risques (PPR), les exigences liées aux mouvements de terrain. Si le site se révèle sensible géotechniquement (épaisseur non négligeable de sols meubles), demander un avis géotechnique minimal selon la norme NF P 94-500.
  • Bien vérifier lors de la conception du projet :
    • la stabilité externe : ancrer les fondations sur le substratum et y prévoir un drain, placer une membrane derrière le mur entre sol/terrain et remblai éventuel, choisir la qualité du remblai ;
    • la stabilité générale du sol et du site ;
    • la stabilité interne du mur au niveau des éléments constitutifs ; 
    • la qualité des éléments constitutifs.
  • Consulter systématiquement les conditions météorologiques avant tous travaux afin de ne pas amplifier le lessivage des particules fines du sol et/ou la déstabilisation du terrain.
  • Prendre en compte la présence d’avoisinants de tous types.

Caractérisation des sols

  • Pour des ouvrages de hauteur significative, il est indispensable de réaliser une étude de sol en amont selon l’enchainement des missions géotechniques comme explicité dans la norme NF P 94-500, surtout si des instabilités sont détectées. Les murs de soutènement sont intimement liés au sol et donc à l’aspect géotechnique.
  • Ancrer les fondations sur un substratum préservé, intact et non friable de préférence, si celui-ci ne se situe pas à une profondeur trop importante.


Dimensionnement à la conception

  • Réaliser systématiquement une étude technique par un bureau d’étude, au-delà de 1,50 m de retenue des terres.
  • Formaliser les données du projet par le maître d’ouvrage.
  • S’attacher le concours d’un BET structure.
  • Prendre en compte la nature des sols (poussées de terres) selon l’étude de sol.
  • Prévoir un contrefruit de l’ouvrage.
  • Choisir avec attention la qualité des matériaux : pierres, boutisses, bétons armés en fonction de la classe d’environnement, mortiers de jointoiement, drains, géotextiles, qualité des remblais, etc.
  • Prendre en compte les exigences liées au risque sismique en fonction du zonage.
  • Evaluer l’importance du trafic, l’impact des procédés de déneigement (sels, sables…) qui peuvent avoir un impact sur la durabilité.


Mise en oeuvre

  • Veiller au phasage des travaux et à la protection des ouvrages à l’avancement.
  • Dans tous les cas, vérifier la qualité du sol d’assise, la profondeur d’ancrage (atteinte du substratum) et la propreté du fond de fouille et apporter un soin particulier au compactage.
  • Prêter attention à la pente du talus (< à l’angle de frottement des matériaux).
  • Compacter le sol avec des engins légers, par couches successives (< 20 cm). Un compactage serré engendre un effort supplémentaire sur le mur et peut avoir un impact sur le drainage.
  • Prendre en compte la qualité des remblais (matériaux filtrants au contact des murs et remblais perméables au contact du terrain naturel). Ne pas utiliser des terres locales non prévues pour cet usage. Préférer l’utilisation de matériaux drainants, propres, concassés, issus de carrières. Éviter l’utilisation de matériaux de démolition.
  • Mettre en oeuvre des géotextiles imputrescibles (200 g/m2) pour maintenir les particules fines des matériaux de remblais ou de tapis drainants géosynthétiques. Vérifier les recouvrements entre lés et l’absence de poinçonnements.
  • Contrôler la qualité des fournitures et matériaux.
  • Vérifier l’épaisseur du mur, l’emplacement des ferraillages et armatures (sections) dans l’épaisseur (placés coté remblais).

 

Appréciation du niveau d’eau dans le massif et mise en oeuvre des actions visant à l’obtention d’une bonne durabilité

  • Déterminer la présence et la fluctuation d’une nappe phréatique et d’eaux d’infiltration.
  • S’il y a de l'eau, vérifier régulièrement la stabilité des ouvrages de soutènement.
  • Mettre en place un système de drainage efficace et pérenne afin d’éviter les situations de mise en charge derrière le mur qu’il y ait une nappe ou pas.
  • Réaliser un massif filtrant (système de drainage vertical) en graviers de granulométrie adaptée et croissante (dans le sens de l’écoulement des eaux) et un système de drainage horizontal (fentes orientées vers le haut).
  • Vérifier la pente du drain (3 à 10 mm / m), le bon raccordement au réseau EP et la taille des fentes par rapport à la granulométrie.
  • S’il y a un drain, penser dès la conception à inclure des regards de visite. Situer le drain au-dessus du niveau des fondations pour éviter leur affouillement.
  • Mettre en place un système de barbacanes et le positionner plus haut que le drain pour prévenir et anticiper un dysfonctionnement de ce dernier.


Entretien, maintenance et amélioration

  • Repérer les leviers d’amélioration. Selon la typologie de mur et le contexte géotechnique, l’entretien et/ou l’amélioration/réparation peut signifier :
    • améliorer la stabilité générale : terrassement, drainage, tirants, clouage ;
    • résoudre les problèmes liés à l’eau : amélioration du drainage, barbacanes, assainissement de plateforme ;
    • diminuer les actions de poussée : remblai allégé, drainage, remblai renforcé, injection du sol soutenu ;
    • renforcer le sol de fondation : micropieux, pieux, traitement (inclusions rigides, injection, jet grouting) ;
    • reconstituer la structure : injection de produit de régénération, rejointoiement, remplacement des tirants passifs ;
    • réaliser une nouvelle structure : remblai, mur en béton armé, gabions, contreforts (contre-mur), tirants/clous et structure de répartition (longrine, voile BA).
  • Contrôler et vérifier la stabilité du mur de soutènement à court terme et à long terme selon un plan prévisionnel et périodique de contrôle.
  • Ne pas apporter de modifications (surélèvement, surcharges) sur un mur existant sans études approfondies d’un BET.
  • Utiliser la méthode IQOA(Image Qualité des Ouvrages d’Art) développée par le CEREMA.


FOCUS

Pour les ouvrages à éléments empilables, les BET peuvent employer des méthodes de calculs par colonnes d'éléments ou élément par élément pour déterminer la stabilité interne ; les calculs s’opérant à partir de la tête de mur jusqu’à sa base. La méthode élément par élément parait être la plus sécurisante et la plus réaliste dans le cadre de l’estimation de la poussée des terres, de la stabilité interne et du renversement potentiel des éléments vers l’aval. La qualité des encastrements, le cas échéant, est primordiale et dépend du produit béton.

 

mutbetonarme" Un mur Béton Armé de soutènement en L de 4,50 m de hauteur, se déplace en tête quelques mois après sa réalisation. La déformation progresse rapidement au fil du temps. Par mesures conservatoires, le mur est étayé. Les investigations destructives ont montré que toutes les armatures d'encastrement à la semelle n'avaient pas été mises en oeuvre. La consolidation est réalisée tout en conservant le voile extérieur qui a été redressé. 
La cause du sinistre est le non-respect du plan d'exécution de l'ingénieur béton."

Effondrement d'un mur de soutènement en 8ème année.effondrementmursoutenement

Causes : l'entreprise a inversé et posé les acier HA14 verticaux à l'horizontal. L'absence de drain et de barbacane n'a pas arrangé le problème. Heureusement le mur a basculé de nuit sans faire de blessé. 

 

 

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Sur ce mur, le drainage et le remblaiement étaient laissés à charge du maître d'ouvrage. L'entreprise avait indiqué au maître d'ouvrage de réaliser un drainage derrière le mur avant de remblayer. Un drain est bien présent en pied, mais on note l’absence de drain vertical. Un simple polyane a été mis en oeuvre ce qui est insuffisant.  

Lors d'un gros orage, le mur est tombé. Une autre cause s’avère être un sous dimensionnement du mur. Le maçon n'a pas fait de calcul. Les cassures dans le mur béton montrent une mauvaise qualité des granulats. 

Crédits photos : Socabat GIE

Ce qu’il faut retenir

  • Demander aux maîtres d’ouvrages de formaliser leurs exigences par écrit et de vous les transmettre pour parfaire l’offre.
  • Ne pas accepter de marché de travaux et ne pas élaborer un diagnostic de soutènement sans avoir diligenté ou obtenu une analyse et une note géotechnique avec caractérisation des sols et estimation des coefficients de poussées de terres.
  • Évaluer la possibilité de genèse de grands glissements (ZIG).
  • Repérer les éventuelles nappes phréatiques.
  • Dimensionner l’ouvrage dans son environnement.
  • Ne pas hésiter à faire intervenir un BET pour la partie dimensionnement structurel et drainage. Prévoir la mission en amont dans la remise de prix.
  • Vérifier la météo avant les travaux importants.
  • Valider la qualité des matériaux réceptionnés.
  • Entretenir les ouvrages les plus sensibles avec des visites annuelles. S’appuyer sur les diagnostics des méthodes IQOA.
  • Ne pas engager de travaux d’ampleur sur et à proximité de murs de soutènement sans études appropriées (creusements, rehausses, fondations).
  • Obtenir la qualification FNTP adaptée pour ce type de réalisation.
  • Vérifier l’apparition de marqueurs de désordres pour anticiper un sinistre.

  • La vidéo  Effondrement de mûrs de soutènement

A consulter

  • CERIB, Méthode de vérification de la stabilité interne des ouvrages de soutènement réalisés à partir d’éléments
    empilables (S Jacob, 2005) ;
  • Méthode SETRA / CEREMA IQOA (image qualité ouvrage d’art).

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