L’alcali-réaction sur ouvrages de travaux publics et génie civil en béton

Mis à jour le 20 mars 2023

L’alcali-réaction (dénommée aussi RAG) dans les bétons est une réponse des minéraux siliceux à un déséquilibre chimique avec le milieu ambiant interne du béton.

Le constat

L’alcali-réaction (dénommée aussi RAG) dans les bétons est une réponse des minéraux siliceux à un déséquilibre chimique avec le milieu ambiant interne du béton. Les ouvrages affectés par cette pathologie peuvent être : les ponts et viaducs, les tunnels, les barrages, les écluses, les stations d’épuration, les châteaux d’eau, les dallages industriels et plateformes, les autoroutes béton, les bassins de rétention…

Le plus souvent, l’ouvrage rendu sera impropre à sa destination ou sera susceptible de causer des accidents corporels (fissures et gonflements sur voiries béton). Les désordres engendrent en outre des problèmes de gestion et d’exploitation.

Le contexte économique et l’épuisement des ressources naturelles font que la meilleure « qualité » de matériau (en particulier granulats) n’est plus forcément disponible localement. D’autres produits peuvent être employés moyennant la mise en place de précautions d’utilisations assumées et probantes. 

Le diagnostic

Réaction chimique

Certains granulats siliceux (contenant du quartz) présents dans les bétons sont attaqués par la solution interstitielle interne alcaline qui sature les pores du béton. On observe finalement, l’apparition de gels silico-calco-alcalins qualifiés d’expansifs car incorporant une grande quantité d’eau dans leur constitution.

La pathologie sur le matériau béton

Quels sont les prérequis au déclenchement d’une alcali-réaction ?

  • Présence de silice réactive SiO2souvent mal cristallisée ou amorphe. Elle provient des granulats et toutes les roches sont susceptibles d’en contenir en fonction de leur histoire géologique.
  • Présence d’alcalins disponibles.La plupart seront apportés par le ciment (en majorité), l’eau de gâchage et les adjuvants, mais certains granulats peuvent contenir naturellement des alcalins actifs, facilement libérables et pouvant participer à la réaction. Pour déclencher cette réaction, la teneur en alcalins solubles doit être supérieure à un seuil critique, mais on constate que l’évolution de la pathologie dépend fortement du rapport initial des concentrations en SiO2 et Na2 On comprend donc que la prévention devra aller plus loin que le simple choix d’un ciment à faible teneur en alcalin.
  • Présence d’une forte hygrométrie. L’eau est bien le moteur de la RAG. Au-delà de 80 à 85 % d’hygrométrie, le risque est amplifié. Il faut prêter attention à l’exposition et l’orientation des ouvrages, à leur localisation, au contact avec l’eau (cycles mouillage/séchage, émersion/immersion). Les facteurs aggravants sont les variations de température, les hautes températures externes d’exposition et d’ensoleillement, la sensibilité gel/dégel ou l’apport externes d’alcalins via les sels de déverglaçage, les sols ou les eaux de mer.                           

Les marqueurs pathologiques :

  • expansion du béton et désordres associés ;  
  • fissuration superficielle ;  
  • exsudations de gels siliceux ; 
  • éclatements ponctuels (popouts) ; 
  • dégradation généralisée des parements ; 
  • chute des performances mécaniques de l’ouvrage. 

reseau fissuration 

 

  Réseau de fissuration causé par l'alcali-réaction. Ouvrage TP.  
  Source : L. DIVET, Ifsttar

 



 

Gel alcali-réaction 

  Gel alcali-réaction, microscope à balayage électronique.
  Source : L. DIVET, Ifsttar

 

 

 

 

Eclatement conique

 
  Eclatement conique (popouts) et exsudations de gel sur dallage.

  Source : Socabat

 

 

 

 

 

Cas particulier : la pathologie sur les dallages

De nombreux sinistres ont été observés sur des dallages de toutes dimensions, allant parfois jusqu’aux dallages industriels de grande étendue. Les dallages peuvent être soumis au lavage à grandes eaux avec un apport d’alcalins au niveau des produits d’entretien. De plus, la présence d’un durcisseur minéral peut apporter de la silice réactive mais surtout des alcalins qui vont également diffuser dans le béton et encourager la réaction. La présence d’un polyane sous la dalle béton favorisera la rétention d’eau. La RAG se manifestera sous la forme de popouts avec soulèvements plus ou moins importants pouvant atteindre 0.5 cm de chaque côté du cratère, pathologie préjudiciable dans le cas où une planéité parfaite est requise (circulation d’engins).

Bonnes pratiques et conseils de prévention

Comment réduire les risques ?

L'utilisation de ciments à basse teneur en alcalins n’est pas toujours aisée et ne constitue globalement pas une garantie suffisante pour éviter une alcali-réaction. En amont, la démarche préventive se réalise alors sur plusieurs niveaux :

  1. Classifier et qualifier les granulats : la responsabilité du fabricant

Le producteur de granulats est responsable de la qualification des matériaux et de l’information à ses clients dans son plan d’assurance qualité (PAQ) et ses fiches techniques produits (FTP). On caractérise ainsi des :

  • granulats non qualifiés (NQ): dénomination qui s'applique à des granulats dont la réactivité n'a pas été qualifiée et qui sont par défaut considérés comme potentiellement réactifs (PR) ;

  • granulats non réactifs (NR) : qualification qui s'applique à des granulats pour bétons hydrauliques qui, quelles que soient leurs conditions d'utilisation, ne conduiront pas à des désordres par alcali-réaction ;

  • granulats potentiellement réactifs (PR): qualification qui s'applique à des granulats susceptibles, dans certaines conditions, de conduire à des désordres par alcali-réaction ;

  • granulats potentiellement réactifs à effet de pessimum (PRP): qualification qui s'applique à certains granulats PR qui ont la propriété de pouvoir entraîner des gonflements dont l'amplitude est maximale pour une teneur en silice réactive appelée teneur pessimale. De part et d'autre de cette teneur pessimale, l'amplitude des gonflements décroît fortement et ne conduit pas à des désordres par alcali-réaction.

A noter : dans le cas de l’alcali-réaction, la composition du béton pour réduire au minimum la réaction délétère relève de la responsabilité du prescripteur, donc à celui qui élabore ou propose la formule béton.

  1. Déterminer le niveau de prévention : la responsabilité du maître d’ouvrage (FD P18-464)

Le maître d'ouvrage doit classer l'ouvrage à construire ou parties d’ouvrage parmi 3 catégories (I, II et III) et trois classes d'exposition (XAR1, XAR2, XAR3) vis-à-vis de l'alcali-réaction. Le risque est croissant de I à III (prestige, taille et coût de l’ouvrage) et de XAR1 vers XAR3 (lieu de construction, humidité, contact ou exposition à l’eau).

Le maître d'ouvrage doit ainsi choisir le niveau de prévention parmi les 3 propositions désignées par les lettres A, B, C dans le fascicule de documentation de l’Afnor FD P18-464. Ces considérations doivent être incluses au cahier des clauses techniques particulières (CCTP).

A chaque niveau de prévention correspondent différentes dispositions ou solutions explicitées dans le FD P 18-464 sur lesquelles le maitre d’œuvre et l’entreprise devront s’appuyer.

  1. Adapter la mise en œuvre au contexte du chantier - choix des matériaux : la responsabilité de l’entreprise

Vérifier le cahier des charges ou le CCTP. S’assurer que le niveau de prévention par ouvrage ou parties d’ouvrage, vis-à-vis de la RAG, a bien été déterminé par le maître d’ouvrage et qu’il est bien notifié dans le CCTP. La protection éventuelle des parois ou parties exposées doit être indiquée.

Se référer aux fiches techniques fabricants (FTP). Pour les granulats, elles donnent obligatoirement les essais de caractérisation de teneur en alcalins actifs (Na2Oeq), et la qualification vis-à-vis de l’alcali-réaction avec mention NR, PR, PRP, NQ. Les fiches techniques produits des ciments et adjuvants (et béton) donnent également la teneur en alcalins actifs apportés.

Faire valider par le fournisseur de béton la formule inscrite au CCTP. Vérifier auprès du fournisseur béton (BPE) que les exigences du CCTP vis-à-vis de la RAG correspondent bien à la destination de l’ouvrage et à son environnement (devoir de conseil).

Utiliser des matériaux certifiés (NF) avec une évaluation rigoureuse de leurs caractéristiques ou à minima des produits avec marquage CE (obligatoire pour le béton).

Utiliser des bétons avec ajouts d’additions minérales (se rapprocher de son fournisseur BPE).  Vérifier dans le CCTP la validation de ce type de substitution. Il s’agit des laitiers, fumées de silice cendres volantes, additions calcaires, métakaolins, pouzzolanes…). Elles peuvent, en étant introduites en quantité suffisante dans une formule de béton, inhiber partiellement ou totalement la réaction. 

Mise en œuvre :

  • pour les ouvrages d’art, les plans de ruissellement préférentiels doivent être évités et les formes de pentes doivent être adaptées. Une des 3 conditions qui est nécessaire à la réaction pour se produire est l’eau. Il faut donc empêcher l’arrivée de l’humidité au sein d’un ouvrage (drainage efficace, bonne étanchéité, disposition adéquate des joints de l’ouvrage, position des armatures, cure) ;
  • pour la réalisation de grandes surfaces horizontales ou assimilées, l'application des règles de conception et de réalisation des ouvrages, et en particulier les dispositions constructives relatives à l'étanchéité et à l'évacuation des eaux est à respecter. Attention aux stagnations d'eau. Pour la protection du béton, un sol coulé peut être mis en place. Si un durcisseur est choisi, se rapprocher du fabricant pour vérifier la composition en silice et alcalins et si un primaire isolant doit être préalablement mis en œuvre ;
  • attention : éviter les rajouts d’eau dans les bétons. 

Ce qu’il faut retenir

  • Moteur de l’alcali-réaction, celle-ci ne se développe que si trois conditions sont satisfaites : la présence d’un granulat réactif, une forte concentration en alcalins dans la solution interstitielle (pH élevé), un taux d’humidité suffisamment élevé (> 80%).

  • Les paramètres impactants sont : la formulation du béton, le type et la fonctionnalité de l’ouvrage dans lesquels ce béton est mis en œuvre, les conditions environnementales.

  • Consulter les Fiches Techniques Produits (FTP) des fabricants granulats, ciments et BPE (essais de caractérisation de teneur en alcalins actifs, qualification vis-à-vis de l’alcali-réaction avec mention NR, PR, PRP, NQ).

  • Demander la consultation du PAQ des fournisseurs afin de s’assurer de la bonne maitrise de la production des constituants.

  • Connaître avec précision la classe d’exposition (agressivité du milieu) dans lequel l’ouvrage sera implanté.

  • Vérifier la bonne adéquation des écrits du CCTP avec les exigences RAG en termes de niveau de prévention et de formulation béton.

  • Choisir si possible son ciment en fonction de la teneur en alcalins. La présence d’additions minérales et des inhibiteurs permettent de minimiser ou de supprimer les désordres à la source (se rapprocher du fournisseur BPE). A vérifier sur le CCTP.

  • Conserver tout document (FTP, CCTP, commandes, rapport d’essais) permettant de préserver ses recours en cas de sinistre.

A consulter

  • FD P 18-542, Granulats : Critères de qualification des granulats naturels pour béton hydraulique vis-à-vis de l'alcali-réaction
  • FD P 18-464, Béton : Dispositions pour prévenir les phénomènes d'alcali-réaction
  • FD P 18-541, Granulats : Guide pour l’élaboration du dossier carrière dans le cadre de la prévention des désordres liés à l’alcali-réaction
  • Normes NF EN 12620 + A1 (granulats pour bétons)
  • Norme NF P 18545 - Granulats, éléments de définition, conformité et codification
  • Norme NF EN 206/CN - Bétons, spécifications, performance, production et conformité - complément national à la norme EN 206
  • Norme NF EN 197- Ciment, partie 1 : composition, spécifications et critères de conformité des ciments courants