Dommages causés aux pieux

Mis à jour le 20 mars 2023

Les dommages causés aux pieux ont des conséquences financières et techniques importantes obligeant les constructeurs à revoir l’ouvrage.

Le constat

Les sinistres sur pieux peuvent avoir de lourdes conséquences sur les plans financier et technique. Il ne s’agit pas seulement de « refaire » ou « ré-implanter » un pieu mais, le plus souvent, de revoir la solution technique choisie, voire d’engager des travaux complémentaires ou de détruire et de reconstruire l’ouvrage.

Les désordres peuvent avoir plusieurs causes, notamment liées au mode d’exécution. Nous traiterons successivement dans cette fiche des pieux forés et des pieux battus.

Le diagnostic

Les principales pathologies liées à la conception sont l’erreur d’implantation et la corrosion.

L’erreur d’implantation concerne tous les pieux, voire tous les systèmes de fondations. Il faut considérer l’erreur d’implantation en plan mais aussi en nivellement :

  • les pieux sont placés sous le terrain avoisinant ou dépassent de l’emprise du chantier ;
  • les pieux ne sont pas placés à la bonne cote altimétrique : il est difficile de « rallonger »  un pieu et d’assurer une bonne continuité des aciers et du bétonnage après coup.

La corrosion trouve son origine dans l’absence de protection du béton/acier en milieu ambiant agressif, salin, eaux chargées chimiquement ou organiquement.

Les pathologies liées à l’exécution des pieux forés

Mélanges avec le terrain

Lors du bétonnage du pieu, il peut y avoir un mélange entre le terrain de la paroi du forage qui s’éboule et le béton. Cette pollution du béton engendre la création de zones de plus faible portance et donc une capacité portante globale du pieu diminuée.

Même problème avec un mélange boue de forage/béton. Ceci peut aussi concerner les pieux forés à la tarière creuse. Lorsque le bétonnage est réalisé longtemps après le forage, le terrain peut se resserrer (c’est le cas des terrains argileux). La section du pieu peut, de ce fait, être réduite, voire nulle sur une partie. Cette coupure ou une réduction de la section du pieu est notamment une des pathologies observées sur les pieux forés à la tarière avec reforage.

Le délavage

Le délavage se produit en cours de bétonnage lorsque le béton est entraîné par des circulations d’eau provenant du sol. Le pieu mis en charge peut flamber et/ou provoquer des tassements en surface.

Une mauvaise répartition des éléments constitutifs peut conduire à un phénomène de ségrégation et à un béton ne présentant pas les caractéristiques de résistance attendues.

Le recépage

Le recépage (remise à niveau des têtes de pieux avant construction de l’ouvrage) est une phase délicate et souvent complexe pour l’entreprise, voire pénible (emploi du marteau piqueur, usage de produits chimiques explosifs). A ce stade du chantier il y a un risque de circulation des engins sur les têtes de pieux.

Plusieurs techniques sont possibles, avec des avantages, des inconvénients et des pathologies potentielles :

  • recépage à frais : on retire dès la fin du bétonnage le premier béton qui contient la terre du fond de forage ; le risque principal est la pollution du béton ;
  • recépage au marteau piqueur : risque d’endommagement du pieu ;
  • recépage à l’aide de vérin : technique plus sûre ;
  • technique de pré-recépage, visant à prévoir une réservation dans la cage d’armature, proposée par certaines entreprises spécialisées.

Les pathologies liées à l’exécution des pieux battus

Le pieu est battu jusqu’à ce qu’il rencontre le substratum.

Le risque de faux-refus se produit lorsque, en cas de présence de blocs ou bancs durs discontinus, on risque d’arrêter le battage trop tôt et de ne pas atteindre la profondeur et la portance voulues.

La détérioration de la tête des pieux se produit lorsque le « mouton » vient appuyer sur la tête du pieu. Il existe alors un risque de détérioration de la tête du pieu.

Il existe un risque de casse des pieux en cas d’utilisation trop précoce des pieux en béton préfabriqués sur le chantier.

Le béton du pieu peut être détérioré au battage ; le pieu ne possèdera la capacité portante requise.

Lorsque le terrain est hétérogène, en présence de blocs et de passages plus meubles, le pieu risque d’être dévié au contact des blocs. Sa verticalité, qui assure la bonne transmission des charges, peut ne plus être assurée. Le pieu risque de ne pas atteindre la capacité de travail voulue.

Comment réduire les risques ?

L’entreprise doit mettre les moyens nécessaires, en adéquation avec la taille et l’environnement de l’opération, pour la bonne réalisation du chantier, en matière d’engins notamment.

Les solutions techniques mises en œuvre doivent être compatibles avec le site et/ou sa géologie : la réalisation des missions géotechniques enchaînées selon la norme NF 94500 en est la garantie.

Pour se protéger de circulations d’eau importantes et se prémunir du risque de délavage, une bonne connaissance du contexte hydrogéologique est nécessaire.

Il est également fondamental d’apprécier la chimie des eaux circulant dans les terrains encaissants, notamment la présence ou non de sulfates, provoquant de la RSI (réaction sulfatique interne) et le gonflement du béton (1). Vis-à-vis des risques de pollution du béton, la présence de tubage (provisoire ou définitif) du forage, le bétonnage au tube plongeur sont des bonnes pratiques.

Une bonne coordination de chantier, un contrôle rigoureux du bétonnage (volume de béton pour hauteur de pieu attendue) permettent de réduire les risques.

L’analyse en amont des conditions de réalisation et, le cas échéant, l’emploi de bétons spécifiques permettent d’éliminer le risque de délavage.

L’utilisation du tube plongeur, le suivi de l’approvisionnement de béton permettent de réduire les risques de ségrégation. Le déversement direct à partir de la surface est à proscrire.

Pour la phase de recépage, l’utilisation de vérin est une technique plus sûre et une bonne pratique. Pour les pieux mis en place par battage, la protection par un casque de la tête du pieu est une pratique sécurisante.

Ce qu’il faut retenir

Une bonne connaissance des terrains encaissants, par la réalisation de missions géotechniques et des eaux de circulation (hydrogéologie, chimie), est essentielle.

La mise en œuvre doit être adaptée au projet, par les moyens utilisés (forage ou battage, tube plongeur, vérinage) comme par les contrôles effectués sur le chantier (qualité du béton employé, contrôle du diamètre et de la verticalité des forages).

En savoir plus

(1) (Lien en accès restreint) , SMABTP, 2015

Fafo Guide STRRES, Réparation et renforcement des fondations, Ed. STRRES

A consulter

  • NF 94500 (nov. 2013), Missions géothermiques
  • NF EN 1536, Travaux Géotherniques Spéciaux
  • NF EN 206/CN, Béton
  • NF P 94 262, Fondations profondes
  • EUROCODE 7

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