Matériaux biosourcés et géosourcés, partie 1

Mis à jour le 24 mars 2023

La transition écologique encourage l’utilisation de matériaux biosourcés en ce qu’ils concourent au stockage de carbone et à la préservation des ressources naturelles. L’emploi de ce type de matériaux va donc se développer dans les prochaines années, impliquant la question de leur assurance.

Le contexte

Le réchauffement climatique est devenu une réalité et une de nos préoccupations majeures : en plus d’un siècle, la température sur terre a augmenté de 0,85°C provoquée par une augmentation excessive des émissions de gaz à effet de serre (EGES).

En France, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) centralise et coordonne les actions des différents secteurs économiques pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le secteur du bâtiment concentre près du tiers des émissions de gaz à effet de serre nationales : 28 % par l’usage des bâtiments et 5 % par l’activité de construction, rénovation et déconstruction. C’est donc un secteur qui est au cœur du développement durable.

En effet, outre la nécessité de rénover les logements les moins performants – les « passoires thermiques », il faut construire différemment avec l’idée de diminuer l’impact carbone des bâtiments. C’est avec cet objectif que les pouvoirs publics ont mis en place différentes réglementations. Ainsi :

  • le Grenelle de l’environnement lancé en 2007 a mis en place deux plans d’actions, l’un pour la filière bois et l’autre pour les filières biosourcés, dans le but de les valoriser et de les développer dans les « modes constructifs bâtiment » ;
  • tout dernièrement, une nouvelle réglementation environnementale des bâtiments a vu le jour, la RE2020 qui remplace la RT2012 et va au-delà car en plus de la performance énergétique, elle prend en compte l’empreinte environnementale du bâtiment et de sa construction et sa capacité à générer de l’énergie. 

Définition des matériaux biosourcés et géosourcés

Les matériaux biosourcés sont issus de la biomasse, d’origine non fossile, et les matériaux géosourcés sont issus de ressources d’origine minérale. Tous deux contribuent au développement durable. Ils sont définis par la norme NF EN 16575 (octobre 2014).

Par convention, dans cet article les géosourcés seront assimilés aux biosourcés.

Les pouvoirs publics encouragent l’utilisation des matériaux biosourcés, identifiés comme l’une des filières vertes contribuant à diminuer notre dépendance aux matières premières d’origine fossile afin de limiter les EGES et créer de nouvelles filières économiques 

Les matériaux biosourcés se défnissent comme :

  • renouvelables ;
  • capables de stocker le CO2 ;
  • nécessitant peu d’énergie grise ;
  • ayant une faible empreinte environnementale ;
  • favorisant la création d’emploi locaux ou les préservant.

Il existe des Fiches de déclaration environnementales et sanitaires (FDES) qui permettent de connaître les indicateurs d’impacts environnementaux et sanitaires des produits. Elles constituent une véritable carte d’identité des matériaux. Elles permettent également la comparaison avec d’autres matériaux que d’aucuns qualifieraient de moins écoresponsables.

Ces données environnementales et sanitaires de référence pour le bâtiment sont téléchargeables sur le site de l’INIES

Techniques courantes et techniques non courantes

Les produits biosourcés et géosourcés doivent répondre aux exigences de performances techniques et de durabilité attendues.

Ces produits doivent donc faire l’objet de normes, d’avis techniques (ATec, DTA, ATEx), de règles pour leur mise en œuvre (DTU) ou règles professionnelles.

La classification faite par la Commission prévention produits (C2P) qui est décrite ci-dessous est essentielle pour les assureurs construction en France.

Dossier Les-risques-liés-à-l’emploi-des-matériaux-biosourcés illustration1Domaine d'analyse de la C2P. Source : AQC.

Les normes, les DTU, les recommandations professionnelles RAGE et les règles professionnelles renvoient parfois à un avis technique sur certaines mises en œuvre qui dépendent du produit ou du procédé du fabricant.

Attention : l’existence d’un document d’évaluation technique n’est pas suffisant en regard d’une analyse de technique courante. Les matériaux et procédés décrits dans ces documents doivent être utilisés ou mis en œuvre selon leur aptitude à l’usage avec un ou des domaines d’emploi respectés.  Ils doivent donc être mis en œuvre selon des contextes chantier précisés dans ces documents, avec des modes constructifs, des localisations géographiques, les considérations de T°C et d’humidité et des conditions d’utilisation décrites dans ces mêmes documents.

Quelles assurances pour les matériaux biosourcés ?

En France les constructeurs sont présumés responsables des désordres affectant les ouvrages qu’ils construisent, et ce pendant 10 ans après la réception. Il s’agit d’une garantie légale à laquelle il n’est pas possible de déroger.

Les désordres de nature décennale sont ceux qui portent atteinte à la solidité de l’ouvrage, ou qui le rendent impropre à sa destination :  tassements de sol, défauts d’étanchéité à l’eau ou à l’air, moisissures, dégradation des matériaux…

Outre le coût des réparations de l’ouvrage, ces désordres peuvent engendrer des coûts supplémentaires non négligeables, comme les pertes de loyer ou de chiffre d’affaires, les frais de relogement, qui seront également à la charge des responsables.

Il est donc essentiel que les produits et procédés mis en œuvre par les constructeurs soient caractérisés, fiables et qu’ils permettent de construire en apportant durablement toute la sécurité nécessaire à l’ouvrage neuf ou rénové.

Les assureurs construction proposent des garanties permettant de couvrir la responsabilité décennale des constructeurs et ses conséquences, sachant que la plupart du temps cette assurance est obligatoire.

Pour cela l’assureur va s’appuyer sur les critères et contrôles élaborés par l’Agence qualité construction (AQC), via son pôle Prévention produit (C2P).

Un produit qui relève de la technique courante est garanti de base dans le contrat de responsabilité décennale du constructeur qui le met en œuvre.

Inversement tout produit ou procédé non classé en technique courante relève de la Technique non courante (TNC) et dans ce cas, l’entreprise ou l’artisan, avant toute mise en œuvre, doit se rapprocher de son assureur pour qu’il étudie les conditions d’assurabilité du procédé.

Exemples : un procédé qui relève de règles professionnelles acceptées par la C2P, le béton de chanvre par exemple, est considéré comme relevant de la technique courante ; la responsabilité décennale est donc garantie de base dans le contrat du constructeur qui met en œuvre ce produit dès lors que l’activité est déclarée au contrat.

Au contraire, l’entreprise qui souhaiterait réaliser un ouvrage en terre crue devra se rapprocher préalablement de son assureur pour en discuter.

Dans le domaine de l’assurance décennale, ce ne sont pas les matériaux en eux-mêmes qui sont ou non assurés, mais les entreprises et les artisans qui les mettent en œuvre, dans des conditions concrètes et normées.

Conclusion

Les référentiels doivent impérativement être respectés et les domaines d’emplois des matériaux vérifiés dans le contexte du chantier.

Labels et législations ne suffisent pas à garantir le développement durable. En particulier, chaque niveau de label requiert un taux maxima d’incorporation de matière biosourcée.

Celui-ci dépend de l’usage principal auquel le bâtiment est destiné. Ce taux est exprimé en kg / m2 de surface plancher.

Taux minimum d'incorporation de matière biosourcée du label « bâtiment biosourcé »

Type d'usage principal Taux d'incorporation de matière biosourcée du label "bâtiment biosourcé" (kg/m² de surface de plancher)
1er niveau 2013 2ème niveau 2013 3ème niveau 2013
Maison individuelle 42 63 84
Industrie, stockage, service de transport 9 12 18
Autres usages (bâtiment collectif d'habitation, hébergement hôtelier, bureaux, commerce, enseignement, bâtiment agricole, etc...) 18 24 36

Source : Arrêté du 19 décembre 2012.

Organismes certificateurs :

  • CERQUAL : logements collectifs et individuels,
  • CERTIVEA : bâtiments tertiaires et équipements sportifs
  • CEQUAMI : maisons individuelles et maisons haute performance énergétique.

Le label « Bâtiment biosourcés » de décembre 2012 contribue au développement durable, mais il n’est pas la panacée.

Le cercle vertueux du cycle de vie des matériaux biosourcés exclut l’impact des sinistres :

  • avant, pendant et après la période décennale ;
  • liés aux défauts ou à l’absence d’entretien ;
  • liés aux travaux de rénovation inadaptés…

Tout sinistre d’ouvrage est donc très impactant sur les énergies grises.

Si la transition écologique encourage l’utilisation de ce type de matériau, il faut néanmoins savoir les utiliser dans les règles de l’art. Or, un des principaux obstacles réside dans la méconnaissance de ces règles par les différents intervenants de l’acte de construire.

Les prescripteurs orientent parfois ces produits dans des contextes limites par rapports à l’usage, la localisation, le planning, la coactivité, la météorologie locale. Les metteurs en œuvre sont également susceptibles d’erreurs et la formation pour la connaissance des règles de mise en place de ce type de matériaux doit être plébiscitée pour la réalisation d’ouvrages pérennes et véritablement durables.

 

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