Matériaux biosourcés et géosourcés : les risques liés à l'emploi, partie 2

Mis à jour le 24 mars 2023

Si les matériaux biosourcés présentent des risques et points de vigilance communs, il existe des risques bien spécifiques selon le matériau. Les points de vigilance peuvent se faire à la conception et/ou lors de la mise en œuvre du matériau.

La qualité et la pérennité de ce type de matériau passe obligatoirement par une bonne connaissance du matériau employé et une bonne formation (stockage, protection, conditions d’utilisation, et respect des normes et référentiels).

Les risques communs

Les matériaux biosourcés permettent d’excellentes performances d’isolation et de confort hygrothermique et acoustique. Ils sont donc parfaitement utilisables moyennant certaines précautions et points d’attention.

Outre quelques points de vigilance communs à observer, les risques varient selon le matériau employé.

Points de vigilance communs à observer pour l’emploi des matériaux biosourcés isolants :

  • ventilation de l’ouvrage ;
  • densité des isolants en vrac ;
  • protection à l’eau des matériaux et du support en phase chantier et en phase exploitation ;
  • diffusion de vapeur du complexe du mur dans son ensemble ;
  • non-propagation à la flamme ;
  • zones xylophages et termites ;
  • dispositifs anti-rongeurs.

Les risques spécifiques à certains matériaux biosourcés

Les bois en usages structurels

Le risque principal est la dégradation du bois par l’eau et l’humidité. Des attaques fongiques peuvent se développer rapidement sur les zones des structures les plus exposées à l’eau, au risque de déstabiliser l’ouvrage.

Les eaux ne doivent pas être piégées au contact du bois extérieur de structure, sans dispositif de drainage et/ou soumis au ruissellement et rejaillissement.

Le bois en permanence humidifié par contact avec l’eau douce nécessite donc une classe d’emploi élevée.

Il convient de se référer à la norme NF EN 335 (mai 2013) « Durabilité du bois et des matériaux à base de bois - Classes d'emploi : définitions, application au bois massif et aux matériaux à base de bois ».

Plus généralement, les essences de bois, le traitement des bois, leur découpage (fibres), leur mise en œuvre et protection (décidés lors de la phase conception) doivent faire l’objet d’une attention particulière.

La laine de bois ou fibre de bois (isolants)

Le risque principal est là encore la dégradation par un excès d’humidité, le matériau absorbant facilement l’eau. Le corollaire est un développement fongique possible (champignons, moisissures), pas toujours visible à l’œil, les isolants étant positionnés dans le doublage, avec des effets possibles sur la santé (dégagement de substances chimiques). Le DTU 31.2 doit être consulté. Les avis techniques doivent être respectés.

L’origine de la présence d’eau au niveau d’une paroi peut provenir d’infiltrations ou fuites, de remontées capillaires ou bien de condensations dans les parois.

La capacité hygroscopique d’un matériau biosourcé se traduit par sa « teneur en eau référence » ou par la courbe de sorption (kg/m3) pour une humidité relative (HR) de 80%. Au-delà de 18% d’humidité dans le bois et fibre de bois, le risque de dégradation des matériaux par l’humidité est avéré.

En cas de saturation d’eau prolongée, les matériaux biosourcés, en particulier la laine de bois, s’exposent au tassement, à la dégradation de la conductivité et résistance thermique et au développement fongique. En façade, des fissurations importantes peuvent apparaître dues à l’eau piégée qui tente d’en sortir par migration et évaporation, conséquence de la déformation des matériaux humidifiés sous-jacents.

En ITE pour Maisons Ossature Bois particulièrement, la perméance des couches doit être croissante (ou Sd décroissant, résistance de diffusion à la vapeur d’eau) de l’intérieur vers l’extérieur. La paroi intérieure doit être 5 fois plus fermée que la paroi externe. Un BET déterminera avec soin les phénomènes de transport de vapeur d’eau dans les parois.

Ainsi, le pare-vapeur est particulièrement recommandé entre l’isolant en fibre de bois et le revêtement intérieur.

On comprend donc que ces matériaux doivent être protégés contre l’humidité et les intempéries en phase chantier. Cette considération non respectée et pourtant basique a été à l’origine de nombreux sinistres.

Il convient également de privilégier les saisons favorables pour la pose des panneaux à base de bois et d’employer un revêtement d’enduit sous avis technique compatible à l’isolant en fibre bois.

Le béton de chanvre

Ce matériau est utilisé souvent en remplissage de murs en pans de bois avec finition extérieure en enduit. Le risque principal est la dégradation du complexe de la paroi par manque de perspiration et accumulation d’humidité dans le mur par condensation. Ce procédé relève des règles professionnelles de juillet 2012, acceptées par la Commission Prévention Produits (C2P).

Pour assurer l'imperméabilisation du complexe de mur en béton biosourcé, on utilise de l’enduit à base de ciment. On note souvent des condensations dans le complexe par l'absence de continuité de perspiration du mur, développement de moisissures et/ou de champignons, voire un décollement de l’enduit.

En réparation, la dépose de l'enduit endommage fortement le béton de chanvre et ses propriétés isolantes ce qui demande une reprise du tout.

Le béton de chanvre participe naturellement à la régulation hydrique du mur par accumulation et évacuation de l'humidité produite. Sa perméabilité à la vapeur d’eau ne doit pas être entravée.

L'imperméabilisation des façades à base de chaux est préconisée. Les matériaux intérieurs qui participent au complexe du mur doivent eux aussi permettre la continuité de la perspiration du complexe du mur.

L’isolation en paille

Il existe 2 techniques pour la construction en matériau paille :

  • remplissage sur site d’ossature bois par bottes de paille compressée ;
  • préfabrication de caissons en atelier de charpente et mise en œuvre par grutage sur site.

Le procédé isolation paille relève des règles professionnelles de janvier 2012, acceptées par la C2P.

Les désordres rencontrés sont essentiellement liés à l’humidité (développement de moisissures, fissurations d’enduit) et à l’incendie dus à des défauts de vigilance durant les phases de conception et de chantier.

Vigilance lors de la conception :

  • compressée en bottes, la paille se réfère à 3 critères réglementaires : humidité (≤ 20 %), densité (80 à 120 kg/m3) et déformation (≤ 10 %).  L’orientation des fibres garantit la cohésion et l’homogénéité surfacique et volumétrique des bottes de pailles ;
  • fabrication des bottes et préfabrication des caissons à l’abri de l’humidité ;
  • le domaine d’application de ce procédé se limite aux locaux de faible et moyenne hygrométrie avec un classement concernant une exposition à l’eau des parois jusqu’à EB+ Privatif ;
  • réservations pour les élingages des caissons pour éviter des risques de déformation dues au levage. Protection à l’eau de ces mêmes réservations ;
  • les vides de construction doivent être placés sous conduit non-propagateur de la flamme ;
  • utilisation de gaines électriques de caractéristique « non propagateur de la flamme ».


Vigilance lors de la mise en œuvre
 :

  • anticipation sur le planning prévisionnel pour une pose en saison ou période propice dans l’enchainement ossature, paille, enduit ou vêture ;
  • approvisionnement des matériaux paille selon l’avancement du chantier pour anticiper une organisation préalable du stockage à l’abri de l’eau et des projections étincelles ;
  • nettoyage constant de la paille en vrac, source de départ de feu ;
  • protections provisoires face aux intempéries dès la phase de pose et enchainement dans la coordination entre les corps d’état ;
  • gestion des ponts thermiques par traitement des interfaces entre caissons ;
  • taux hygroscopique des locaux du chantier avant pose des enduits ;
  • vérification de l’état des isolations des canalisations avant fermeture des parois face au risque gel ;
  • formation des collaborateurs.


À noter
 que la paille n’assure aucun rôle structurel.

La ouate de cellulose

Elle est surtout utilisée pour l’isolation de combles sur plafonds munis de spots.

Le risque principal relève du comportement au feu du matériau. De nombreux « sinistres incendie » sont constatés via l’éclairage de plafonniers « spot » et d’une élévation de température. Une charpente bois peut accentuer l’expansion du feu.

On constate souvent que la protection des spots par capotage n’a pas été effectuée.  L’origine des incendies provient souvent d’une mise en contact de fils électriques avec un plafonnier métallique, dont l’arc électrique a enflammé la ouate de cellulose. Les plafonniers incriminés sont tous dépourvus de boîte de raccordement en PVC. Des fils dénudés peuvent être également à l’origine des incendies.

Les incendies sont souvent la conséquence de feux couvants. La température environnante d’une ampoule de 50W peut monter jusqu’à 250°C, ce qui est suffisant pour enflammer progressivement la ouate de cellulose (papier transformé).

En cours de travaux, des lampes de chantier non protégées ont déclenché des incendies en générant une très forte chaleur liée à la présence de poussières de ouate, conduisant à une inflammation progressive de la ouate de cellulose.

Il convient donc :

  • d’adopter des protections par capots adaptés sur les spots pour éviter tout contact avec les isolants ;
  • d’effectuer des raccordements électriques par des boîtes de raccordement électriques NF prévus à cet effet ;
  • de respecter les avis techniques ;
  • d’utiliser son propre matériel et vérifier son état, ne pas emprunter le matériel d’une autre entreprise ;
  • d’être très vigilant sur les ouates de cellulose qui sont classées ininflammables ou non inflammables, ne pas confondre ininflammable* (M1) et incombustible (M0).


*Ininflammable (M1) :
 c'est la propriété d'un matériau dont la décomposition s'effectue sans production de gaz inflammables ou de flammes et cesse dès que disparait la source de chaleur.

La terre crue

Le risque principal concerne le choix des matériaux, leur mise en œuvre (défaut de perspiration, de coupure capillaire, de drainage, conditions de chantier non conformes…) et l’entretien impératif à opérer sur ces ouvrages.

La construction en terre crue nécessite, avant tout, le savoir-faire et l’identification des matériaux. Le suivi de formations reconnues par la profession est indispensable. L’information de tous les acteurs également.

Les principales causes de sinistre sont :

  • formations et informations insuffisantes des acteurs à l’acte de construire ;
  • mauvaises conditions d’entretien par les utilisateurs qui sont mal informés ;
  • matériaux pollués ou moisis ;
  • imperméabilisation des sols intérieurs/extérieurs et des murs qui empêche la diffusion de la vapeur ;
  • hauteur de soubassement insuffisante et coupure de capillarité inexistante ;
  • défaut de séchage des murs ;
  • débordement de toiture insuffisante ;
  • surface de supports hétérogène, trop absorbante, trop lisse, trop humide ;
  • épaisseur d’enduit inadéquate ;
  • mauvaises conditions climatiques à la réalisation ;
  • ventilation inadaptée.

Points de vigilance :

  • les murs en terre crue doivent être protégés par un débord de toit suffisant pour éviter l’exposition à la pluie, directe ou par rejaillissement ;
  • un drainage en pied doit être positionné à la bonne hauteur ;
  • une coupure de capillarité en tête de soubassement et de hauteur suffisante doit être mise en place ;
  • en région ventée, les façades doivent être protégées ;
  • les matériaux liés au murs de terre crue doivent être perspirants ;
  • le bon séchage des murs est obligatoirement vérifié.

Les ardoises

Le risque principal relève du choix des matériaux chez le fabricant (présence de pyrite, effet du gel, résistance globale de l’ardoise).

La principale cause de sinistre réside dans la présence éventuelle de pyrite avec des coulures de rouille fréquentes et quelques inclusions traversantes sur le pureau de l’ardoise.

La présence de pyrite dans les ardoises est un phénomène naturel. Les minéraux expansifs augmentent la cinétique, ici par perforation, dans le plan de schistosité sous cycles thermiques (T).

La norme NF EN 12326-1 définit le cycle thermique des ardoises en 3 classes : T1, T2 et T3.

Le descriptif de l’architecte décrit, dans le meilleur des cas, des ardoises naturelles de 1er choix, garanties 30 ans contre les défectuosités compromettant l’étanchéité de la couverture. Parfois le certificat délivré par le fabricant ne définit pas le classement T de l’ardoise.

Le DTU 40.11 (mai 1993) se réfère aux anciennes normes NF P32-301 et 302 remplacées en 2006 par la norme NF EN 12326.

La notion de « tri » de l’ancienne norme NF P 32-301 n’est pas reprise dans la norme européenne EN 12326. Ainsi, les notions de « choix » dépendent des carrières d’extractions et elles ne définissent pas les classements A (absorption d’eau), T (cycles thermiques) ou S (résistance aux pluies acides) de la norme NF EN 12326-1.

La certification garantit un classement ATS plus exigeant que la norme NF EN 12326.

Les pierres

Le risque principal réside dans le choix des matériaux et leur mise en œuvre en termes de modes constructifs, de dimensionnement, d’assemblage et de liaison avec le sol.

Cas particulier des pierres calcaires

Elles peuvent être sensibles au gel.

La fiche technique du fabricant se réfère à la norme européenne EN 12371 qui recommande des essais de « n cycles » au minimum, pour éprouver la résistance mécanique au gel.

Or, en raison des conditions climatiques différentes des pays de mise en œuvre, la norme française NF EN 12371 prévaut avec un nombre de cycles bien supérieur pour les essais de résistance mécanique au gel.

En cas de remplacement des pierres abîmées, la norme NF impose de remplacer également les pierres restées intactes.

Ainsi :

  • le choix d’une pierre doit être faite en fonction de son lieu d’utilisation qui détermine la sensibilité aux changements d'aspect engendrés par les cycles thermiques ;
  • il convient de se référer à la norme du pays où l’ouvrage sera réalisé ;
  • il convient d’être vigilant sur les lieux de provenance pour les pierres de réemploi.

Les textes de références sont : NF B 10-601 (septembre 2019) : Produits de carrières de pierres naturelles / Guide d’emploi de la Pierre naturelle FD CEN/TR 17024 (avril 2017) / NF P98-335 : Mise en œuvre des produits modulaires (pavés et dalles) pour revêtements de voirie et espaces publics (mai 2007).

Cas particulier des constructions en pierres sèches

Les constructions en pierres sèches pour murs soutènement et murs de séparations en pierres sans mortier ni liant relèvent des règles professionnelles de juillet 2012, acceptées par la C2P. La mise en œuvre de ce type de matériaux nécessite des formations et qualifications reconnues.

Les désordres rencontrés sur ces « murs poids » sont liés à la technique, aux méconnaissances du sol et de la fonction des pierres :

  • effondrement : défaut d’assise de sol, de calage, de liaison (boutisse), de couronnement, du rapport base/hauteur (conception) ;
  • affaissement par tassement : sol inadapté, défaut de fondations ;
  • disjoncture : défaut de liaison, de croisements de joints ;
  • lézardes ou brèches : défaut de liaison, d’horizontalité des assises, de dimensionnement ou type des pierres ;
  • déformations par bouclement, bouffements ou déversements : défaut d’assise de sol, du rapport base/hauteur, du fruit du mur, de drainage.


De la fondation au couronnement, chaque pierre, petite ou grande, joue un rôle dans la stabilité interne du mur.

Le liant du mur en pierre sèche est réalisé par la juste répartition de son poids et par la justesse de son appareillage.

Il convient d’être attentif à la nature du sol et l’inclinaison de la pente du terrain mais aussi à la mise en œuvre de la fondation, au calage des pierres de liaison, au drainage, et à l’horizontalité des assises des pierres.

 

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