Les installations de méthanisation

Mis à jour le February 4, 2025

Les usines de méthanisation sont des ouvrages qui peuvent être le siège de plusieurs typologies de sinistres. Comment fonctionne la méthanisation ? Quelles sont les principaux désordres constatés ? Et surtout, quelles sont les bonnes pratiques de prévention pour éviter les risques ?

Qu'est-ce que la méthanisation?

La méthanisation consiste à utiliser les déjections animales mêlées à des cultures intermédiaires (avoine, orge, etc.), des résidus céréaliers et à les mélanger dans un digesteur, aussi appelé « méthaniseur ». Cette structure chauffe la mixture de déchets organiques (intrants) à 38 °C pendant au moins 40 jours, voire, selon les installations, jusqu’à 200 jours suivant une dégradation par l’effet de bactéries dans un milieu pauvre en oxygène
(anaérobie). Du méthane (biogaz) se dégage de cette mixture et est ensuite converti en électricité et envoyé dans le réseau.

La chaleur dégagée par le dispositif est également utilisée en chauffage. Ce qui sort du digesteur est appelé « digestat » : un concentré d’azote, de phosphore et de microorganismes qui sont souvent épandus sur les terres comme engrais.

Le constat

Multiples et complexes dans leurs matériaux de constitution (bétons, aciers, graves de couches de chaussées…), les usines de méthanisation sont des ouvrages qui peuvent être le siège de plusieurs typologies de sinistres. Ainsi, on peut noter des :

  • détériorations de voiries fortement sollicitées ;
  • dégradations causées par l’agressivité de l’environnement sur des parties en béton ou acier ;
  • défauts d’étanchéité des ouvrages de stockage (soutènements) ;
  • pannes mécaniques qui affectent les équipements ;
  • impacts des installations sur l’environnement (nuisances acoustiques et olfactives) ;
  • incendie et explosion lors de travaux de maintenance.

Le diagnostic

Les principales causes de désordres constatés sont :

  • dégradation de voiries

Les voiries fortement sollicitées présentent des dégradations affectant les couches de surface (roulement/liaison) et parfois les couches d’assise (base /fondation).

Les voiries sont soumises à un trafic lourd (tracteurs agricoles et poids lourds). Les manoeuvres effectuées sur place sollicitent très fortement les chaussées (générant d’importants efforts de cisaillement) qui apparaissent sous-dimensionnées au regard des exigences du trafic réel.

  • agressivité de l’environnement

Des parties en béton ou en acier en contact avec les intrants (stockage) et les différentes matières organiques en phase process (phase de dégradation biologique) présentent des détériorations. Tant les ouvrages de stockage des intrants que les ouvrages intégrant le process sont soumis à un environnement chimiquement agressif (effluents d’agriculture…). Hydrogène sulfureux (H2S), acides minéraux ou organiques sont autant d’agents agressifs qui attaquent le matériau béton.

Des éléments métalliques (participant ou non au process, comme les agitateurs ou le bardage par exemple) apparaissent corrodés. De même, les éléments métalliques des installations sont soumis à d’importants phénomènes de corrosion dès lors qu’ils sont insuffisamment protégés (présence de gaz corrosifs émis dans l’air lors du processus de fermentation). Les tranches non protégées des bardages (zones de coupe du bardage) font ainsi classiquement l’objet d’attaques corrosives.

  • soutènement et étanchéité des ouvrages de stockage

Les voiles en béton destinés au stockage des intrants apparaissent fissurés et fuyards (laissant percoler des jus de fermentation non canalisés et agressifs pour leur environnement).

Les voiles sont soumis à des surcharges d’exploitation qui excèdent celles prises en compte dans leur dimensionnement. Ce dépassement de contrainte génère un état de fissuration et peut remettre en cause la stabilité de l’ouvrage.

L’étanchéité des voiles n’est parfois pas prise en compte en conception (absence de revêtement d’imperméabilisation, d’étanchéité ou de dimensionnement en structure relativement étanche).

De même, les ouvrages de stockage et le digesteur peuvent notamment être soumis à des tassements ou basculement. Les charges au sein de ces ouvrages sont variables au cours du temps. Les études de sol et les calculs de structure ne sont pas toujours effectués en prenant en compte ces particularités.

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         Ecoulement au droit de joints de fractionnement de voile
         Crédit : SOCABAT GIE

  • pannes mécaniques des équipements

Des pannes mécaniques affectent les équipements de traitement des déchets tout au long de la filière (système de convoyage des intrants, agitateurs immergés, moteurs…). Elles génèrent des défauts de performance en termes de rendement énergétique. Elles peuvent être sources d’incendie et d’explosion (notamment lors de la phase des essais).

La composition incertaine (ou variable dans le temps) des déchets peut impacter les équipements qui sont alors soumis à des phénomènes d’usure anticipée (présence de corps étranger générant une casse du système de convoyage des intrants par exemple).

Les silos digesteurs (chaleur, pression de gaz…) et les échangeurs de chaleur (production d’eau chaude ou de vapeur) présentent des risques accrus de pannes au regard des contraintes auxquelles ils sont exposés et des phénomènes de surchauffe rencontrés (fortes variations thermiques, composition hétérogène des intrants…).

La période d’essai est parfois trop réduite pour apprécier correctement les performances attendues des matériels.

  • Impacts sur l’environnement

    Des dysfonctionnements peuvent conduire à des pollutions :
  • de l’eau (contamination d’un cours d’eau à proximité suite à de fortes pluies et une conception de l’installation ne permettant pas de diriger toutes ces eaux vers le bassin de collecte) ;
  • de l’air par les émissions gazeuses (qu’elles soient canalisées, en provenance de sources à l’air libre, de bâtiments sans extraction d’air, de systèmes de traitement d’air ouverts comme les biofiltres, ou en provenance de fuite à partir d’équipements ou de canalisations par exemple) avec des conséquences environnementales et sanitaires (tant sur les opérateurs que sur le voisinage). Dans de nombreux cas, l’étude d’impact a été superficiellement traitée ou n’a pas été prise en compte (non-respect des distances minimales des installations par rapport aux tiers). Il n’a pas été prévu de bassin de confinement pour stocker les éventuelles eaux polluées.
  • incendie et explosion

Des explosions de biogaz (accompagnées d’incendies) peuvent survenir lors d’opérations de maintenance (présence de lisier dans la cuve générant un risque d’atmosphère explosive lors d’opérations de soudure par exemple). Les ouvrages confinés tels que les silos d’intrants, le digesteur, les ouvrages de stockage tampon de biogaz, l’intérieur de locaux contenant des tuyauteries de biogaz (fuite accidentelle de biogaz) sont les plus exposés.

En contact avec une source d’inflammation active, les gaz inflammables (biogaz, biométhane,…) et les poussières combustibles pulvérulentes en suspension dans un espace confiné en mélange avec l’air (concentration dans le domaine d’explosivité) peuvent générer une explosion (zone ATEX).

Les fuites de biogaz peuvent être d’origines multiples : défauts d’étanchéité consécutifs à des travaux sur canalisations, fuites au niveau des soupapes de sécurité, défaut d’étanchéité de joints de brides de canalisations, arrachement d’une conduite de biogaz, déchirure de la membrane du digesteur, dysfonctionnement de la torchère, …

De même, en présence d’air et d’une source d’inflammation active (chaleur, travaux par points chauds, ...), les combustibles (intrants solides et liquides, charbon actif, huile thermique, digestat solide, matériaux de construction et d’isolation, …) peuvent générer un incendie.

Les bonnes pratiques et conseils de prévention

Comment réduire les risques ?

  • Dégradation de voiries

Voiries et aires de manœuvre doivent être dimensionnées selon une hypothèse de trafic qui doit être respectée. La classe de trafic et le pré-dimensionnement retenus dans le CCTP doivent être conformes à ce qui a été défini dans la mission G2PRO et validés par le contrôleur technique-mission L.

  • Agressivité de l’environnement

Le choix de la formulation du béton doit tenir compte de la classe d’exposition aux attaques chimiques telle que définie dans la norme NF EN 206/CN:2022 et le Fascicule de documentation FD P 18-011.

Les travaux de protection anticorrosion doivent être adaptées aux agressions chimiques et respecter les règles de l’art telles que le Fascicule 56 du CCTG ou la norme NF EN ISO 12-944 (systèmes de peinture).

  • Soutènement et étanchéité des ouvrages de stockage

Les ouvrages de stockage ne doivent pas être sous-estimés. Leur adaptation au sol est primordiale. Il est nécessaire de prévoir l’enchainement des missions géotechniques conformément à la norme NFP 94-500.

Le dimensionnement des voiles doit impérativement prendre en compte une hypothèse de hauteur de stockage et une méthodologie de chargement en phase exploitation précisément définies par le BET (en accord avec l’exploitant) et validées par le CT.

L’étanchéité des ouvrages de stockage (qu’il s’agisse d’ouvrages partiellement enterrés ou non) doit être clairement définie (notamment au sens du Fascicule 74 – Construction des réservoirs en béton) dès la phase conception et compatible avec les différents intrants prévus. Un ouvrage en béton non revêtu nécessite un soin particulier dans la mise en œuvre (compacité du béton, mise en œuvre de procédés spécifiques au droit des reprises de bétonnage, …).

  •  Pannes mécaniques des équipements

Veiller à utiliser des équipements compatibles avec la composition des intrants et les ambiances agressives rencontrées (choisir des équipements éprouvés depuis plusieurs années dans ce type d’installation et associer les fabricants en sollicitant des préconisations écrites).

Veiller très régulièrement au fonctionnement des soupapes de sécurité.

Proposer un programme d’entretien des équipements (maintenance préventive portant notamment sur le remplacement des joints d’étanchéité ou le resserrage des brides de jonction entre canalisations…).

Prévoir un stockage préventif des pièces de rechange indispensables.

Mettre en place des capteurs avec alarme pour détecter les pannes par anticipation.

Protéger contre le gel les vannes et autres équipements sensibles.

Ne pas négliger l’importance de la période d’essai.

  • Impacts sur l’environnement

Prendre en compte l’étude d’impact.  Celle-ci doit mentionner la distance minimale d'implantation de l'installation ou de ses différents composants par rapport aux habitations occupées par des tiers et préciser par exemple les règles d'implantation et de fonctionnement de la torchère.

Équiper les dispositifs d'entreposage des digestats liquides par des moyens nécessaires au captage et au traitement des émissions résiduelles de biogaz et composés odorants.

Prévoir un bassin de confinement pour stocker les éventuelles eaux polluées (effluents d'élevage, eaux résiduaires, eaux de ruissellement, eaux issues du process…).

Prévoir le cas échéant des référés préventifs.

  • Incendie et explosion

Les installations de méthanisation relèvent de la rubrique ICPE n°2781.

Il convient de respecter les prescriptions réglementaires (définies par les arrêtés ministériels associées à la rubrique ICPE) relatives aux conditions de sécurité lors de de travaux par points chauds (permis d’intervention - permis de feu, consignes de sécurité).

Par ailleurs, les articles R4216-31 et R4227-42 à R4227-54 du Code du Travail définissent les mesures à mettre en œuvre concernant le risque d’explosion d’ATEX au cours des opérations d’entretien et maintenance (évaluation des risques d’explosion).

Instrumenter les installations (mise en place d’analyseur de gaz et de mesure en continue).

Prévoir un système de secours (groupe électrogène) pour permettre, en cas de panne électrique, le fonctionnement de la torchère (qui doit à tout moment être en capacité d’éliminer la totalité du volume de biogaz présent dans l’unité de méthanisation).

A retenir

  • Bien appréhender que les ouvrages de stockage d’intrants, digesteurs, post-digesteurs, stockage de digestat brut…restent des ouvrages sensibles et nécessitent une étude de sol et un dimensionnement par un BET structure, avec des hypothèses d’exploitation clairement définies.
  • Dimensionner les voiries en fonction du réel trafic attendu.
  • Prendre en compte l’agressivité de l’environnement dans le choix du béton et de la protection anticorrosive des éléments métalliques.
  • Proposer une maintenance active et préventive des équipements.
  • Ne surtout pas sous-estimer les risques d’explosion et d’incendie sur ce type d’installations (notamment en phase de maintenance).
  • Prendre en compte l’étude d’impact et les arrêtés préfectoraux.

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