La garantie de la responsabilité civile en cas d’assureurs successifs

Mis à jour le 24 mars 2023

Comment fonctionne la garantie de la responsabilité civile en cas d’assureurs successifs ? Depuis 2003, la loi permet d'encadrer et d'uniformiser les conditions d'application dans le temps des garanties de responsabilité civile et de déterminer quel assureur interviendra pour indemniser les victimes.

Les entreprises comme les particuliers ont la possibilité de changer d’assureur de responsabilité civile.

Dans de nombreux cas, notamment en matière de construction, une longue période peut s’écouler entre les faits à l’origine d’un dommage (les travaux) et la réclamation formulée par la victime.

Mais quel assureur doit prendre en charge le sinistre ? L’assureur de l’entreprise au moment des travaux ou le nouvel assureur à la date à laquelle l’entreprise reçoit la réclamation de la victime ?

Jusqu'en 2003, les garanties de responsabilité civile comportaient des clauses d'application dans le temps très variables en fonction des assureurs. Cette disparité pouvait entraîner des "trous de garantie" souvent lourds de conséquences économiques pour un individu ou une entreprise.

Mais depuis, la loi du 1er août 2003 - dite de sécurité financière - a permis d'encadrer et d'uniformiser les conditions d'application dans le temps des garanties de responsabilité civile, et de déterminer quel assureur interviendra pour indemniser les victimes.

Attention : ces dispositions ne concernent que les garanties de responsabilité civile. Elles ne sont pas applicables aux contrats pour lesquels un régime spécifique est déjà prévu (notamment l'assurance décennale obligatoire pour les dommages matériels aux ouvrages de bâtiment).

Les deux régimes applicables

Introduisant la notion du fait dommageable (fait qui constitue la cause du dommage), le dispositif légal prévoit désormais deux modes de gestion du déclenchement de la garantie :

  • par le fait dommageable survenu à la suite d'actes accomplis pendant la période de validité du contrat d'assurance, même si le dommage se manifeste plusieurs années après sa résiliation ; 
  • par la réclamation de la victime qui doit avoir lieu pendant la période de validité du contrat ou après sa résiliation, pendant un délai déterminé, nommé délai subséquent.


Sauf régime légal spécifique (par exemple, l'assurance construction), ces deux modes de fonctionnement sont impératifs et exclusifs, c'est-à-dire que tout autre mode de fonctionnement prévu pour ce type de garantie serait déclaré contraire à la loi.

Le choix entre les 2 modes de gestion relève de la seule décision de l’assureur.

Ces dispositions permettent également de déterminer l'assureur qui devra indemniser les victimes en cas de contrats souscrits successivement. 

  1. Le régime du fait dommageable

Le fait dommageable est le fait qui constitue la cause du dommage. Par exemple, dans le domaine de la construction, il peut s'agir des travaux réalisés par un entrepreneur.

Lorsque la garantie est déclenchée par le fait dommageable, elle couvre tous les sinistres consécutifs à des actes accomplis pendant la période de validité du contrat d'assurance, et même si le dommage se manifeste plusieurs années après la résiliation du contrat.

Peu importe donc la date à laquelle apparaît le dommage ou celle à laquelle la victime réclame la réparation. Si les travaux ou l'acte à l'origine du sinistre ont été accomplis pendant la période de validité du contrat, le sinistre devra être indemnisé par l'assureur qui avait délivré ce contrat.

Conséquences pratiques :

La garantie de l'assureur est maintenue tant que le risque de sinistre peut apparaître, même si le contrat est résilié ou si l'assuré a changé d'assureur. Seules exceptions :

  • la prescription de l'action en responsabilité civile (5 ans à compter de la connaissance des faits) ;
  • la prescription de l'action contre l'assureur (2 ans à compter de la connaissance du sinistre).

Exemple :

Un entrepreneur est assuré par un contrat ayant pris effet le 1er janvier 2002. Il effectue la pose de dalles de carrelage dans le hall d'un immeuble du 1er février 2002 au 1er avril 2002.

Son contrat d'assurance est résilié le 31 décembre 2002. Le 1er janvier 2004, une des dalles de carrelage se descelle, provoquant la chute d'un visiteur qui se blesse. Ce dernier effectue une réclamation auprès de l'entreprise.

Le fait dommageable (la pose de dalles de carrelage) ayant eu lieu pendant la période de validité du contrat, l'assureur qui garantissait l'entreprise entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2002 est donc celui qui devra intervenir pour indemniser la victime.

  1. Le régime de la réclamation

Dans ce régime, c'est la date de réclamation formulée par la victime auprès de l’assuré ou de l’assureur qui est prise en compte.

Peu importe la date à laquelle les travaux ou l'acte à l'origine du dommage ont été effectués. Peu importe également la date de survenance du dommage. Si la réclamation a lieu pendant la période de validité du contrat, le sinistre, objet de cette réclamation, sera couvert par l'assureur.

Exemple :

Un entrepreneur souscrit un contrat d'assurance de responsabilité le 1er janvier 2002 valable jusqu'au 31 décembre 2002.

Le 10 juillet 2002, une dalle de carrelage que l'entrepreneur avait posée lors de travaux réalisés en 2000 se descelle, provoquant la chute d'un visiteur qui se blesse. Ce dernier effectue une réclamation auprès de l'entreprise.

Le fait dommageable (la pose de dalles de carrelage) a eu lieu avant la période de validité du contrat. Mais le contrat étant géré en base "réclamation", l'assureur qui garantit l'entreprise entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2002 est celui qui devra intervenir pour indemniser la victime, puisque la réclamation a eu lieu pendant la période de validité du contrat.

Sous certaines conditions, la période de garantie ne cesse pas à la résiliation du contrat, mais à l'expiration d'un délai supplémentaire appelé délai subséquent.

Au terme de la loi, ce délai ne peut être inférieur à 5 ans. Néanmoins, par un décret du 26 novembre 2004, le délai subséquent a été augmenté à 10 ans pour l’assurance de nombreuses professions, parmi lesquelles les constructeurs.


Les conditions de mise en œuvre de la garantie subséquente :

  • l’assuré n’a pas souscrit une nouvelle garantie déclenchée par la réclamation (cessation d’activité, disparition, nouvelle garantie déclenchée par le fait dommageable etc.) ;
  • le fait dommageable est antérieurà la résiliation ou à l’expiration de la garantie.

 

Exemple :

Un entrepreneur a souscrit un contrat d'assurance de responsabilité le 1er janvier 2002 valable jusqu'au 31 décembre 2002. Après cette date, l’entrepreneur a cessé toute activité professionnelle et n’a donc pas souscrit de nouvelle assurance.

Le 10 juillet 2003, une dalle de carrelage que l'entrepreneur avait posée lors de travaux réalisés avant la prise d'effet du contrat se descelle, provoquant la chute d'un visiteur qui se blesse. Ce dernier effectue une réclamation auprès de l'entreprise.

Le fait dommageable (la pose de dalles de carrelage) a eu lieu avant la résiliation de la police.

Malgré la résiliation de la police et en l’absence de nouvelle garantie susceptible de garantir la réclamation de la victime, le dernier assureur sera tenu de garantir l’éventuelle responsabilité du constructeur pendant les 10 ans de la garantie subséquente.

Attention : Les garanties déclenchées par la réclamation ne peuvent trouver application si l’assuré a eu connaissance lors de la souscription de travaux susceptible de causer un dommage à une victime.

Les règles de fonctionnement en cas de succession des contrats dans le temps

Rappel : le fait dommageable est le fait qui constitue la cause du dommage. Par exemple, dans le domaine de la construction, il peut s'agir des travaux réalisés par un entrepreneur. Par souci de clarté, nous avons donc remplacé l'expression "fait dommageable" par "travaux".

Ancien contrat Nouveau contrat Contrat applicable en cas de sinistre
Base "fait dommageable" Base "fait dommageable" Contrat valide à la date de réalisation des travaux.
Réclamation Réclamation

Ancien contrat si : 

  • à la souscription du nouveau contrat, l'assuré savait que les travaux seraient susceptibles de causer un dommage ;
  • et si la réclamation de la victime est intervenue avant l'expiration du délai subséquent.
Nouveau contrat si l'assuré ne savait pas que les travaux seraient susceptibles de causer un dommage.
Fait dommageable Réclamation Ancien contrat si les travaux ont été réalisés pendant sa période de validité.

Nouveau contrat si :

  • les travaux ont été effectués avant la prise d'effet de l'ancien contrat ;
  • et si l'assuré ne savait pas que les travaux seraient susceptibles de causer un dommage.
Réclamation Fait dommageable

Ancien contrat si : 

  • les travaux ont été réalisés avant la souscription du nouveau contat ;
  • et si la réclamation est intervenue avant l'expiration du délai subséquent.
Nouveau contrat si les travaux sont intervenus durant sa période de validité.

Ce qu’il faut retenir

  • Les régimes base "réclamation" et "fait dommageable" sont les deux seuls régimes applicables admis par le législateur pour les contrats de responsabilité civile visés par la loi.
  • Les risques particuliers sont obligatoirement régis par "le fait
    dommageable".
  • Le choix est libre entre les deux régimes pour les contrats professionnels (sauf pour ceux déjà soumis à un régime particulier).
  • L’assureur doit tenir l'assuré informé par la remise, avant la souscription ou la reconduction du contrat, d'une notice résumant ces nouvelles dispositions. Il doit également informer l'assuré sur le système retenu pour la gestion des garanties de son contrat.