L'expertise dommages-ouvrage pour le constructeur

Mis à jour le 22 mars 2024

Comment fonctionne l’expertise dommages-ouvrage ? Quelle est sa finalité ? Afin d’accompagner au plus près les acteurs du BTP, SMABTP publie une fiche « Le point sur » L’expertise dommages-ouvrage pour le constructeur.

Votre entreprise vient de recevoir une convocation pour une expertise dommages-ouvrage. Celle-ci a été envoyée par un expert commun mandaté par l’assureur dommages-ouvrage en vertu de votre participation à la construction d’un ouvrage dont la date d’ouverture de chantier (DOC) remonte à moins de 10 ans.

La convocation à l'expertise unique signifie que le sinistre sera géré dans le cadre de la Convention de règlement de l'assurance construction (CRAC). Cette convention permet « d'améliorer l'efficacité de l'assurance construction par l'abaissement du coût de gestion des sinistres avec le principe d’une expertise commune pour le compte du maître d’ouvrage et l’ensemble des constructeurs et, un règlement rapide et équitable des sinistres entre assureurs".

L’assurance dommages-ouvrage (DO) est une assurance de pré-financement souscrite par le maître d’ouvrage. La convention CRAC permet à l'assureur DO, après avoir indemnisé son assuré, de se retourner plus rapidement et plus efficacement contre les assureurs des différents constructeurs, ayant participé au chantier sur lequel sont apparus les désordres et désignés comme responsables à l’issue de l’instruction.

Quel est le fonctionnement de l'expertise dommages-ouvrage ?

A réception de la déclaration de sinistre adressée par le bénéficiaire, l’assureur dommages-ouvrage peut :

  • dans les 10 jours : rejeter la déclaration si elle n’est pas constituée (pas assez précise sur le lieu, les circonstances...)
  • dans les 15 jours :

- rejeter la garantie si celle-ci est manifestement injustifiée ;

- proposer une indemnité lorsque le montant de réparation des dommages est inférieur ou égal à 1800€ ;

- désigner un expert dans tous les autres cas.

Dans cette hypothèse, l’assureur dommages-ouvrage dispose d’un délai de 60 jours à compter de la réception de déclaration de sinistre pour notifier au bénéficiaire sa position sur la garantie.

A cette fin, un dossier commun et unique est établi par l’expert dommages-ouvrage nommé expert commun. Ce dossier réunit tous les éléments, administratifs et techniques, nécessaires au règlement du sinistre.

L’expert commun est choisi par l’assureur DO sur une liste d’experts agréés et reconnus par l’ensemble des assureurs signataires de la convention. Il instruit l’ensemble du dossier technique pour le compte de tous les assureurs de responsabilité décennale des constructeurs impliqués.

Rapport préliminaire de l’expert

Après désignation par l’assureur dommages-ouvrage, l’expert convoque les intervenants concernés à une seule réunion d’expertise sur les lieux du sinistre. Le délai étant très contraint par la loi, il n’y a pas de reports possibles de la réunion. A l’issue de cette réunion, l’expert rédige son rapport préliminaire dans lequel :

  • il constate et décrit les dommages ;
  • il prescrit les éventuelles mesures conservatoires propres à ne pas aggraver les dommages.

Position sur les garanties par l’assureur DO

Sur la base de rapport communiqué au bénéficiaire, l’assureur peut :

  • rejeter ses garanties ;
  • accorder ses garanties.

Lorsqu’il accorde ses garanties, l’assureur dommages-ouvrage dispose d’un délai de 90 jours (à compter de la réception de la déclaration) pour proposer une indemnité, même provisionnelle ; délai pouvant être porté à 225 jours en cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou l’importance du sinistre.

Rapport définitif de l’expert DO

Après accord de l’assureur dommages-ouvrage sur ses garanties, l’expert dépose son rapport définitif dans lequel il détermine et chiffre les travaux de réparation strictement nécessaires.

Le partage de responsabilité est exprimé en annexe, dans le courrier d’accompagnement à destination des assureurs. Les conclusions sur le règlement du dossier s’imposent donc à tous. Cependant, lorsque le montant des travaux de réparation à dire d’expert est supérieur à un certain montant réévalué chaque année (137 500€ en 2019), chaque assureur responsabilité décennale peut saisir son propre expert.

La convocation par un expert commun

L’expert doit convoquer tous les constructeurs concernés et connus par le dommage déclaré (traitants, sous-traitants, BET, maître d’œuvre, contrôleur technique, fournisseurs si EPERS, y compris le constructeur, exerçant en nom personnel, à la retraite au moment de la déclaration de sinistre).

L’entreprise doit se rendre à sa convocation, en ayant préalablement convoqué si nécessaire les sous-traitants et/ou les fabricants, dans le cas où l'origine des désordres est imputable aux produits que l'entreprise a mis en œuvre. La présence des sous-traitants à l'expertise est importante ; elle permet de leur rendre contradictoires les opérations d'expertise.

Dans tous les cas, l'entreprise doit informer l'expert de l'existence de ces intervenants et lui fournir les coordonnées et les attestations d'assurance décennale de ces derniers.

Que doit faire une entreprise lors de la réunion d'expertise ?

L'entreprise doit se présenter à l'expertise avec tous les documents nécessaires à la préservation de ses intérêts : les pièces du marché, la documentation technique, les courriers échangés avec les intervenants…

Au cours de l'expertise, l'expert commun analyse les interventions des différents constructeurs sur le chantier.
De son côté, l'entreprise ne doit pas hésiter à faire toutes les observations qu'elle juge utiles sur l'analyse et l'importance du sinistre, son éventuelle implication dans sa survenance, ses solutions de reprise

Après l'expertise

L'expert commun adresse son rapport à tous les convoqués qu’ils soient présents ou pas à la réunion et qu’ils soient concernés ou pas par le dommage.

Ce rapport consigne le déroulement de l'expertise. L'assureur de l'entreprise s’adresse alors à son assuré pour avis. Le cas échéant, l'entreprise doit faire part directement à l'expert commun, le plus tôt possible, par écrit et avec copie à son assureur, de toutes ses remarques, de ses éventuels points de désaccord ou des propositions de réparations.

Le règlement définitif du dossier en cas d'un recours de l'assureur dommages-ouvrage

Plusieurs cas de figure sont à distinguer :

  • si la responsabilité de l'entreprise est engagée,son assureur règle le recours réclamé par l'assureur dommages-ouvrage et demande le remboursement de la franchise du contrat de responsabilité décennale à l'entreprise ;
  • si la responsabilité incombe au sous-traitant,l'assureur dommages-ouvrage exercera directement son recours contre l'assureur du sous-traitant. Si le sous-traitant ne règle pas spontanément sa franchise, l'assureur de l'entreprise l'avance et peut en demander le remboursement au sous-traitant. A défaut de règlement par ce dernier, elle sera supportée par l’entreprise dans le cadre de sa franchise.

C’est ainsi que la franchise qui sera réclamée par l'assureur de l'entreprise correspondra au montant de la franchise opposée par l'assureur du sous-traitant, si ce montant est inférieur à la franchise de l'entreprise. A défaut, si celui-ci est supérieur, la somme qui sera demandée sera limitée au montant de la franchise spécifique à l'entreprise.

Avantages de l'expertise unique pour l'entreprise

Elle permet la maîtrise des frais de gestion et leur prise en charge par l'ensemble des assureurs concernés par le sinistre, ce qui influence directement l'appréciation de la sinistralité.

La rapidité d'intervention permet d'éviter les procédures judiciaires contentieuses, lesquelles aggravent le coût d'un dossier puisqu’il peut être alors multiplié par 7.

Le recours direct de l'assureur dommages-ouvrage contre l'assureur du sous-traitant évite à l’assureur de l’entreprise de financer la totalité du recours. Cet élément influence de manière positive le rapport sinistres/cotisations et, par conséquent, le coût de l'assurance
de l’entreprise.

Le recours direct évite à l’entreprise principale de préfinancer la franchise de son sous-traitant avec le risque de ne pas la récupérer.