Garantie décennale et impropriété à la destination de l'ouvrage - partie 3 : impropriété par inaptitude à la destination

Mis à jour le 12 octobre 2022

Il n’est pas nécessaire que l’ouvrage soit affecté d’un dommage matériel pour que la condition pour engager la garantie décennale du constructeur. Des défauts d’implantation, d’isolation phonique, le non-respect des règles d’urbanisme, notamment, suffisent à remplir les conditions.

Il n’est pas nécessaire que l’ouvrage soit affecté d’un dommage matériel pour que la condition de gravité, requise pour engager la garantie décennale du constructeur, soit considérée comme remplie.

Défaut d’implantation et non-respect des règles d’urbanisme

Une erreur d’implantation rendant nécessaire la démolition et la reconstruction, au moins partielle, de l’immeuble, rend l’ouvrage impropre à sa destination et, par suite, relève de la garantie décennale.

Si la violation des règles d’urbanisme n’est pas, à elle seule, constitutive d’un désordre, la démolition et la reconstruction de l’ouvrage exigées par une erreur d’implantation et de hauteur suffisent à établir un dommage de caractère décennal.

Défauts d’isolation phonique

Même si l’article L 111-11 du Code de la construction et de l’habitation dispose que la conformité des bâtiments d’habitation aux exigences requises en matière d’isolation phonique relève de la garantie de parfait achèvement, cet article n’exclut pas l’application de la garantie décennale si les défauts d’isolation sont susceptibles de rendre l’ouvrage impropre à sa destination.

Ont été jugés constitutifs, à ce titre, de désordres de nature décennale :

  • Des nuisances sonores et olfactivesoccasionnées aux voisins par un centre de formation professionnelle d’hôteliers restaurateur ;
  • La propagation particulièrement grave des bruits dans les chambres d’un hôtel ;
  • Le bruit continuel résultant du claquement des ardoises d’un toit les unes sur les autres, en période de vent.


Mais la Cour de cassation va encore plus loin, en estimant que les désordres d’isolation phoniques peuvent relever de la garantie décennale même lorsque les exigences minimales, légales et réglementaires, ont été respectées par les constructeurs.

Ainsi la Cour demande que soit recherché, à l’occasion de désordres d’isolation phoniques relatifs à la diffusion de bruits aériens, si ceux-ci ne sont pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination, alors même que l’isolation phonique est conforme aux normes applicables.

A travers cette jurisprudence, il est rappelé que le respect des normes et des textes réglementaires ne constitue pas une cause exonératoire de la responsabilité des constructeurs, la conformité aux normes n’excluant pas l’impropriété à destination.

Désordres affectant le clos et le couvert de l’ouvrage

Les désordres qui affectent le clos et le couvert de l’ouvrage peuvent rendre celui-ci impropre à sa destination. A titre d’exemple, on citera :

  • La présence d’insectes xylophages dans un chalet en bois ;
    des désordres affectant des tuiles ou des ardoises de nature à produire des infiltrations ;
  • L’absence d’étanchéité de jardinières équipant un immeuble, qui peut engager la responsabilité décennale des constructeurs. Dans ce cas, il a été tenu compte de la destination convenue de l’ouvrage pour apprécier l’impropriété à sa destination : les jardinières étaient prévues pour contenir des bambous dont les racines sont particulièrement agressives ;
  • L’absence de protection d’un dispositif d’étanchéité de seuils de portes.

Désordres affectant les éléments d’équipement installés avant réception

L’article 1792 du Code civil n’exige pas que l’élément d’équipement, qui rend l’ouvrage impropre à sa destination par ricochet, soit indissociable de l’ouvrage (à l’inverse de l’article 1792-2).

En conséquence, toute défaillance ou vice d’un élément d’équipement est de nature à entrer dans le champ de l’article 1792, dès lors que l’impropriété à destination causée par le désordre ou le dysfonctionnement de l’équipement affecte l’ouvrage dans sa globalité. Autrement dit, l’ensemble de l’ouvrage doit être affecté, et non pas seulement la destination ou la conformité de l’équipement lui-même, si grave soit-elle.

De nombreuses décisions retenant la responsabilité décennale ont été rendues à la suite de défaillances ou dysfonctionnements d’installations de chauffage ou de climatisation d’immeubles.

Il est important de noter que la notion d’impropriété à la destination n’étant pas clairement définie, chaque situation doit être appréciée au cas par cas.

Les juges apprécieront la gravité des dommages qui leur sont soumis et cette appréciation comporte une large part de subjectivité.

 

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