Dégradations sur ouvrages d’art - bétons armés

Mis à jour le 23 mai 2023

Les dégradations des bétons d’ouvrages d’art en béton armé sont susceptibles d’entrainer la responsabilité décennale de l’entreprise. Comment identifier les défauts ? Quelles sont les causes des désordres ?

Le constat

Les dégradations des bétons d’ouvrages d’art peuvent se présenter sous différents aspects (efflorescence, fissuration, faïençage, fuite de laitance ou encore nids de cailloux) et entraîner la responsabilité décennale de l’entreprise qui a mis en œuvre le béton.

Nous pouvons qualifier ces dégradations suivant plusieurs critères :

  • défauts préjudiciables comme le ressuage, le nid de cailloux, l’écaillage dû au gel et aux sels de déverglaçage, la carbonatation, la poussée au vide des armatures ;
  • défauts indiquant une évolutionen présence de fissuration importante ou de déformation excessive…
  • défauts structuraux indiquant la proximité d’un état limite ultime en cas de fracturation ou de tassement important ;
  • défauts esthétiques, si on constate une variation de teinte sur un même parement, une efflorescence, une tache noire, des pommelages, des fuites de laitance, un bullage, des marbrures, ou fissure superficielle et faïençage.

En dehors des défauts esthétiques, ces dégradations diminuent systématiquement la durabilité des ouvrages concernés.

Le diagnostic

La raison principale d’un désordre peut être attribuée à une ou à plusieurs causes :

  • cause structurelle : les efforts sont trop grands pour la capacité de la structure et donc le béton cède sous ces contraintes trop élevées ;
  • cause externe : l’environnement est agressif chimiquement envers le béton et dégrade ses qualités intrinsèques ;
  • cause interne : le béton contient lui-même des éléments chimiques qui vont conduire à sa dégradation, lente ou rapide.

Plusieurs causes peuvent aussi se combiner.

Cause structurelle

Un ouvrage d’art se construit la plupart du temps sur le domaine public. Les calculs sont réalisés selon les Eurocodes, par des bureaux d’études habilités. Les erreurs sont toujours possibles ; le contrôle par un bureau de contrôle n’est obligatoire uniquement pour un bâtiment recevant du public.

Néanmoins, afin que l’ouvrage fonctionne selon ses concepteurs, il faut respecter les dimensions et les détails donnés par les plans.

Les écarts peuvent intervenir lors de la construction :

  • sur le ferraillage
    • la disposition, le diamètre ou la quantité des aciers d’armature ;l
    • l’enrobage trop faible ou trop grand ;
  • sur le coffrage
    • des dimensions erronées ;
    • un manque d’étanchéité des coffrages pendant la mise en œuvre du béton conduisant à des pertes de laitance, donc à une diminution des performances des bétons en surfaces ;
  • le matériau béton lui-même
    • des ajouts d’eau juste avant la mise en œuvre ;
    • des erreurs dans la composition du béton ;
    • des composants défectueux ;
    • des composants inadaptés à la destination de l’ouvrage ;
  • une mise en œuvre défectueuse
    • plasticité du béton inadaptée aux conditions de mise en œuvre (ferraillage dense, coffrages étroits) ;
    • mauvais serrage (vibration) ;
    • mauvaise protection post-bétonnage (par temps froid ou chaud).
    • Ces écarts contribuent grandement à la diminution de la durabilité du béton et des ouvrages.

Cause externe

L’environnement en contact avec le béton peut contenir des agents chimiques nuisibles à la durabilité du béton.

Les différents types de corrosion sont (voir NF EN 206/CN §4 Classification et FD P 18-011) :

  • induite par carbonatation (XC) ;
  • induite par les chlorures présents dans l’eau de mer (XS) ;
  • attaque gel/dégel avec ou sans sel de déverglaçage (XF) ;
  • les attaques chimiques (XA).

Pour chaque agression, il existe une solution pour assurer la durabilité du béton en choisissant essentiellement :

  • les qualités intrinsèques des composants ;les proportions et quantités de ces composants ;
  • les proportions et quantités de ces composants ;en agissant sur la quantité d’eau par rapport à la quantité de ciment.
  • en agissant sur la quantité d’eau par rapport à la quantité de ciment.

Le respect des proportions est fondamental pour assurer la durabilité, notamment et surtout la quantité d’eau.

Les ajouts d’eau par rapport à la quantité prescrite sont extrêmement préjudiciables (respect du rapport E/C).

Cause interne

Les composants eux-mêmes peuvent être la source de dégradation « par l’intérieur » du béton.

La carbonatation : la chaux, contenue dans le béton, décarbonatée lors de la fabrication du ciment, n’aura de cesse que de se carbonater à nouveau en piégeant le CO2. Cette réaction chimique aura pour conséquence la dépassivation des aciers, qui ne sont donc plus protégés contre la corrosion. Cette corrosion pourra donc débuter et le gonflement qu’elle provoque sera l’occasion de la fissuration du béton puis de son éclatement.

Réaction Alcali Granulats (RAG) : dans cette réaction, les granulats réagissent au contact de l’eau avec le ciment, pour donner des gels expansifs qui détruisent le béton.

Réaction Sulfatique Interne (RSI) : certains agrégats peuvent contenir des sulfates. Dans ce cas, si la température interne du béton dépasse 65°C pendant la prise (pièces massives par exemple), des composés chimiques se forment qui, en présence d’eau, vont devenir expansifs et détruire le béton.

Le même phénomène peut se déclencher de façon externe, au contact d’un béton et d’un terrain contenant des sulfates.

Conséquence générale

Ces causes ont toutes comme conséquence la fissuration du béton :

  • favorisant ainsi la pénétration des agents extérieurs générateurs de ces pathologies ;
  • diminuant les performances mécaniques.

La fissuration entraîne plus ou moins rapidement la dépassivation des aciers, qui ne sont donc plus protégés contre la corrosion. La corrosion de ces aciers engendre un gonflement dû à la rouille expansive qui augmente encore la fissuration du béton puis son éclatement.

Le phénomène ne va qu’en s’aggravant et peut conduire à la ruine de l’ouvrage.

Même sévèrement attaqué et endommagé, un ouvrage peut être réparé. Souvent, le coût économique de la réparation comparé à une reconstruction totale sera déterminant.

A noter : le syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et de renforcement des structures (STRRES), publie des guides pour réparer les ouvrages en béton endommagés. Pour les désordres du béton, voir le guide FABEM 1, Reprise des bétons dégradés.

Bonnes pratiques et conseils de prévention

Comment réduire les risques ?

Bien choisir la formulation

En dehors des performances mécaniques à atteindre, le béton d’un ouvrage doit résister aux attaques de l’environnement.

Des classes d’environnement sont définies dans la norme NF EN 206/CN. La classe d’environnement doit être définie par le maître d’ouvrage ou par son maître d’œuvre.

Les conséquences sur la formulation qui découlent de cet environnement sont aussi prescrites par la NF EN 206/CN. Elles portent, par exemple, sur le type de ciment, la quantité minimale de ciment ou la quantité d’eau relativement à la quantité de liant.

D’autres recommandations portent sur la prévention de l’alcali réaction (RAG) ou sur la réaction sulfatique interne (RSI).

Si les conditions de la norme ne peuvent pas être réunies (par exemple dans un contexte hors métropole pour le type de ciment), des essais en laboratoire peuvent qualifier une formulation vis-à-vis d’une attaque spécifique.

Soigner la mise en œuvre

Tous les efforts faits dans la mise au point d’une formulation pour répondre à de nombreux critères de performances peuvent être ruinés par une mise en œuvre défaillante :

  • ajouts d’eau en toupie juste avant coulage ;
  • moyens de mise en œuvre inadaptés :
    • mauvaise vibration ;
    • des coffrages non étanches à la laitance ;
    • ferraillage mal calé ;
    • mauvaise disposition des aciers ;
    • mauvaise protection du béton (contre l’excès de chaleur ou de froid).

Il est, en outre, indispensable de respecter :

  • les ferraillages en général ;
  • les sections de barres requises ;
  • les enrobages des barres vis-à-vis de la peau du béton.

Le respect de ces conditions contribue grandement à la durabilité.

A noter : la FNTP édite des documents pratiques, notamment, ce guide pratique du Béton, La mise en oeuvre du béton

Ne pas oublier la cure

Durée minimale de cure pour la classe de cure 2 (correspondant à une résistance à la surface du béton égale à 35 % de la résistance caractéristique spécifiée).

Ce qu’il faut retenir

  • Bien choisir la formulation ;
  • Soigner la mise en œuvre ;
  • Lire la documentation existante ;
  • Ne pas oublier la cure.

A consulter

  • NF EN 206/CN Béton Partie 1 : spécification, performances, production et conformité
  • FD P18-011 (décembre 2009), Béton Définition et classification des environnements chimiquement agressifs, recommandations pour la formulation des bétons
  • Fascicule 65, Exécution des ouvrages de génie civil en béton armé ou précontraint
  • FD P18-464 (avril 2014), Béton - dispositions pour prévenir les phénomènes d'alcali-réaction
  • FD P18-326 (novembre 2004), Béton - zones de gel en France
  • NF P18-371 (juillet 2013), Adjuvants - produits de cure pour bétons et mortiers - détermination du coefficient de protection (Indice de classement : P18-371)
  • NF P18-370 (juillet 2013), Adjuvants - produits de cure pour bétons et mortiers - définition, spécifications et marquage
  • NF EN 13670 (février 2013), Exécution des structures en béton + complément national (février 2013), (indice de classement, P18-450)
  • FD P18-011 (mars 2016) : Béton - Définition et classification des environnements chimiquement agressifs - Recommandations pour la formulation des bétons 
  • FD P18-326 (août 2016) : Béton - Zones de gel en France  

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En savoir plus

Guide Reprise des bétons dégradés, STRRES, juin 2008
Guide La mise en oeuvre du béton, FNTP