Changement climatique, résilience du bâti et sinistralité - partie 1

Mis à jour le 12 octobre 2022

Le dérèglement climatique constaté depuis 30 ans engendre de nombreux risques qui augmentent à la fois en intensité et en récurrence et qui ont un impact sur la sinistralité, notamment du bâti. Pour y faire face, des réponses sont apportées à la fois par les pouvoirs publics sur le plan législatif et réglementaire et par le secteur du BTP. Quelles sont-elles ?

Les risques engendrés par le changement climatique

Depuis 30 ans, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) alerte sur l’élévation de la concentration en CO2 et son incidence sur le climat. Le dérèglement climatique engendre de nombreux risques qui sont croissants à la fois en intensité et en récurrence et qui ont un impact sur la sinistralité, notamment du bâti.

Outre l’élévation des températures, l’évolution du climat entraîne de nombreux changements qui diffèrent selon la région et qui augmenteront tous avec la poursuite du réchauffement. Le changement climatique intensifie le cycle de l’eau et modifie la répartition des pluies (inondations et sécheresses). A terme, les zones côtières seront confrontées à l’élévation du niveau de la mer (inondations et érosion du littoral).

A l’échelle de la Métropole les sinistres les plus coûteux des dernières années sont de typologies variées : tempêtes, ouragans, inondations, sécheresse, effets de la grêle. Si les tempêtes exceptionnelles comme Lothar et Martin en 1999 concentrent un coût particulièrement élevé, les sécheresses qui se répètent sont un point d’attention important pour les assureurs (phénomènes récurrents très couteux).

Sur la période 1989-2019, le secteur de l’assurance a enregistré 416 000 sinistres par an en moyenne pour un montant de 2,4 milliards d’euros de dommages matériels.

Les vingt événements les plus coûteux survenus en France

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Les réponses législatives et réglementaires face au changement climatique

La loi Climat et Résilience a été promulguée le 22 août 2021 et publiée au Journal officiel du 24 août 2021. Elle est issue des propositions émises par le groupe de travail de la convention citoyenne pour le climat mise en place par le chef de l’État. Elle s'articule autour de cinq thématiques : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger et se nourrir. 

Elle renforce aussi les sanctions en cas d'atteintes à l'environnement.

Les ajouts concernent par exemple les dispositions d’urbanisme et de protection relatives au recul du trait de côte, l’adaptation des forêts aux évolutions du climat ou la diversification des activités économiques en zone de tourisme de montagne.

La loi ELAN N° 2018-1021 du 24 novembre 2018 ou loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique évoque, dans son article 68, la « Prévention des risques de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols ». Il concerne les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols et vise les maisons individuelles, source de sinistralité importante depuis de nombreuses années « dans le contexte sols argileux ». Afin de mieux se préparer à ces phénomènes dont la récurrence est croissante, la cartographie des zones à risques a été actualisée et la loi oblige désormais la réalisation d’une étude de sols, ce qui devrait permettre de réduire le risque de sécheresse pour les nouvelles constructions.

Avec la RE 2020, la nouvelle réglementation thermique et environnementale pour la construction de bâtiments neufs, les incidences du réchauffement climatique sur le confort thermique estival sont également mieux prises en compte. Le calcul réglementaire sera maintenant basé sur un scénario caniculaire de référence, établi à partir des relevés de la canicule de 2003, phénomène le plus grave de l’histoire récente par sa durée et son intensité. Le mode d’évaluation s’articule autour d’un indicateur remodelé qui quantifie l’amplitude et la durée de l’inconfort ressenti par l’occupant. Les bâtiments neufs devront ainsi respecter un seuil maximal d’inconfort en « °C.heures » sur l’année. La mise en application de la RE 2020 démarre en janvier 2022 pour les bâtiments résidentiels.

Quelles stratégies pour le secteur de la construction ?

Devant la projection d’évolution de la sinistralité sur les prochaines années, la FFA s’organise via la Mission Risques Naturels (MRN) pour promouvoir des bonnes pratiques :

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Avant tous travaux neufs ou d’entretien/rénovation d’un bien, il semble élémentaire de faire l’inventaire de son exposition aux différents aléas naturels, qu’ils soient règlementés ou non, puis d’intégrer, depuis sa conception jusqu’à l’acte final de sa réalisation, les contraintes et opportunités générées par la prise en compte de ces aléas.

Cette démarche, encore rare, permettrait d’envisager une vie durable pour l’ouvrage construit ou aménagé, adaptée à l’évolution des impacts des aléas, pour un coût global de construction / maintenance / entretien mieux maîtrisé

Exemple de résilience face au risque inondation

Qu’est-ce qu’un bâtiment résilient ? « Un bâtiment résilient est un bâtiment « bien construit », condition nécessaire à la préservation durable de ses performances intrinsèques et à la réduction de sa trace « carbone » depuis sa construction jusqu’à sa fin de vie. Sa conception anticipe l’accentuation des sinistres dus au changement climatique, à la fois en fréquence et en intensité.

Dans le cas des risques d’inondations et de submersions marines, il existe trois stratégies de résilience des bâtiments :

  • Dossier Changement-climatique-résilience-du-bati illustration3 Éviter l’eau (mettre le bâtiment hors d’atteinte de l’eau), qui consiste, pour des immeubles neufs, à s’affranchir de construire dans une zone exposée au risque inondation, et, pour les ouvrages concernés par ce risque, à surélever les éléments de structure et les accès, de sorte que le niveau du rez-de-chaussée soit supérieur à la cote des plus hautes eaux connues (PHEC).
  • Résister à l’eau (empêcher sa pénétration dans le bâtiment), consistant à imperméabiliser les ouvertures à l’annonce d’un évènement extrême. Cela nécessite l’anticipation des points à protéger et des moyens à mettre en œuvre pour chacun, l’identification précise de l’ampleur et de la durée du phénomène par les services de météorologie, et la réactivité des personnes œuvrant à l’imperméabilisation des points identifiés. Les capacités de cette stratégie sont donc limitées pour les sinistres de forte intensité entraînant une submersion prolongée.
  • Céder à l’eau (laisser entrer l’eau dans le bâtiment en en limitant les effets), qui est le dernier recours et qui consiste à réduire l’ampleur du dommage en choisissant des matériaux peu altérables et des équipements résilients pour les zones susceptibles d’être immergées, et en concentrant les équipements sensibles dans les étages supérieurs ou dans des sections étanches.

Conclusion

En conclusion, les futures constructions devront prendre en compte dès leur conception le risque survenance de ces événements naturels, tout d’abord en terme de choix de lieu de construction grâce à des cartographies de risques puis en termes de techniques de construction adaptées au site retenu.

Les économies immédiates pratiquées par méconnaissance des enjeux liés aux aléas naturels conduisent à renchérir les coûts d’usage, de sauvegarde ou de réparation de l’ouvrage exposé tout au long de son cycle de vie. A défaut de prendre les précautions adéquates dès la conception des ouvrages pour favoriser la résilience du bâti, les coûts de réparation des sinistres s’avèreront prohibitifs.

 

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