La construction hors-site

Mis à jour le January 3, 2025

Poussée par les pouvoirs publics dans une logique de réduction des coûts, d’amélioration de l’impact carbone ainsi que des conditions de travail, la construction hors-site est un mode de construction qui repose sur deux piliers : la préfabrication et l’industrialisation. Comment fonctionne-t-elle ?  

La révolution de la construction hors-site réside dans le nouveau mode de pensée tourné vers la préfabrication en usine et non plus vers le chantier en vue de massifier. Elle ne se résume pas cependant à la construction modulaire, même si c’est la version la plus avancée.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Elle se décompose en deux étapes :

  • étape 1 : la conception et la préfabrication en atelier d’un grand nombre d’éléments avec un important niveau de finition. (En moyenne, 30 à 40 % des éléments peuvent être préfabriqués, mais il est possible d’aller jusqu’à 80 % à 85 % selon les projets) ;
  • étape 2 : le transport et l’assemblage des éléments sur le chantier. La phase chantier se réduit à la réalisation des fondations et de l’interface sol/bâti, puis à l’assemblage des modules.

On distingue plusieurs niveaux de finition d’une construction hors-site. 

1. Préfabrication 2D : montage en atelier des éléments de murs ou de planchers qui seront assemblés entre eux sur site. Ils peuvent intégrer le pare-pluie, l’isolation, les fluides, l’électricité, la plomberie voire les fenêtres, les portes et les occultations. Les autres corps d’état arrivent ensuite sur chantier comme dans une construction traditionnelle. Ces différents niveaux d’assemblage se déclinent pour les matériaux classiques (bois,
béton, métal). Ces derniers sont d’ailleurs de plus en plus mixés afin d’utiliser le bon matériau au bon emplacement. A titre d’exemples, on peut citer : la construction en ossature bois, les planchers et murs préfabriqués en béton, les ossatures en acier léger.

2. Cellules 3D : cette catégorie permet de réunir sous un même volume un grand nombre d’éléments techniques et complexes pour un gain de temps optimisé sur chantier (les salles de bains, cuisines, gaines techniques, chaufferies, etc.). On trouve principalement ce type de préfabrication pour les blocs sanitaires. 

3. Modules 3D : c’est une construction modulaire et volumétrique qui est conçue, fabriquée et équipée en usine. Les éléments de planchers et de murs sont assemblés pour former une boite dans laquelle on y installe les réseaux, les finitions intérieures, voire les menuiseries ou le mobilier pour y former une chambre, une salle de bain, …. On a généralement deux types de modules : avec structure poteaux poutres ou avec voiles porteuses. L’assemblage de ces différents modules produit différentes solutions de construction allant du bâtiment modulaire au bâtiment hybride.

Les conséquences juridiques

Le-point-sur Costruction-hors-site 1L’opération de construction hors-site implique de travailler selon une logique verticale et non plus horizontale. Elle va engendrer une redistribution des missions connues chez les acteurs traditionnels avec, avant tout, une collaboration et transversalité active.

Le découpage en phase des différentes procédures de passation de marché tend à neutraliser les avantages de la construction hors-site comme la rapidité de construction. Si cela n’est pas un problème dans le domaine des marchés privés, le monde de la commande publique est quant à lui fortement impacté par la loi MOP (Maîtrise d’Ouvrage Publique).

Dans un projet de construction hors-site, le rôle du maître d’ouvrage promoteur évolue dans le rythme de passation des marchés, dans l’organisation du projet et son approche plus globale voire plus impactante. Il doit donc se poser la question de ses contrats de responsabilités.

Pour l’entreprise qui met en oeuvre, il y a un vrai changement de son rôle. L’entreprise peut devenir le fabricant, et le fabricant peut poser ensuite sur chantier. Si elle ne dispose pas de toutes les compétences, elle pourra en sous-traiter une partie. Un point d’attention sera porté à l’existence de tâcheronnage potentiel dès lors que l’entreprise pose sans fournir les matériaux. Là encore une analyse de ses activités précises devra être conduite pour ajuster le cas échéant son contrat de responsabilités.

La multitude des schémas juridiques d’une opération de construction hors-site induit donc une multitude d’analyse de la responsabilité des intervenants et donc des solutions d’assurance à proposer. Chaque intervenant devra être vigilant sur son rôle dans le projet de construction hors-site car des situations non envisagées dans les contrats actuellement peuvent nécessiter des adaptations des garanties d’assurance.

Les conséquences techniques

Le référentiel normatif n’intègre pas aujourd’hui la construction hors-site.

A titre d’exemples, le DTU 31.2 (construction de maisons et bâtiments à ossature en bois) intègre, dans son domaine d’application les modules tridimensionnels préfabriqués à partir des murs et planchers en bois. Autre cas avec la construction modulaire en béton, visée par le DTU 21 qui concerne les ouvrages ou éléments d’ouvrages en béton qui peuvent être coulés préfabriqués sur le chantier ou en usine. Cependant, si l’on considère l’un des deux modules précédents complété des aménagements intérieurs, de l’isolation ou des équipements techniques alors on sort du DTU ou des règles professionnelles.

Les assureurs construction considèrent donc ce type de construction comme de la technique non courante.

Si on veut massifier, il convient de faire évoluer le corpus normatif pour sortir de cette notion de technique non courante.

Un module préfabriqué est transporté sur chantier. Là encore les sollicitations dynamiques liées au transport ne sont pas envisagées dans l’immense majorité des textes de référence ; ce qui permettrait de retenir la notion de technique courante. Le domaine d’emploi et donc le cadre du risque normalisé est limité aux travaux réalisés in situ.

Le-point-Sur La-construction-hors-site 2Dans le cadre de la construction hors-site, la notion de sinistre sériel revêt une importance capitale dans le sens où il s’agit potentiellement d’un risque plus élevé que pour la construction traditionnelle sur site, car une erreur pourrait être répétée plusieurs fois dans toutes les unités « préfabriquées » sortant de l’usine. Il est souvent aggravé par l’innovation, la possible mise en oeuvre de procédés non suffisamment éprouvés ou mis en oeuvre hors domaine d’emploi.

Le sériel peut également concerner les phases de stockage, de transport ou d’assemblage sur chantier avec des cas de déformation de modules stockés sur des plateformes non stables.

Enfin, les risques techniques suivants retiennent également notre attention et nécessitent certainement la mise en place de contrôles spécifiques : l’étanchéité à l’eau des modules en façades et en couverture, l’étanchéité à l’air, le stockage et une certaine vulnérabilité vis-à-vis des réglementations isolation thermique, acoustique ou la sécurité incendie, si une attention particulière n’est pas portée à toutes les phases du projet.